Le récit impressionniste de la Renaissance d’un printemps, captation d’un instant sensible.

La galerie Lelong expose jusqu’au 24 juillet 2015, une suite de dessins de la naissance du printemps dans l’est Yorkshire, réalisés sur Ipad et conçus pour une impression numérique agrandie, du peintre anglais figure majeure de la Pop Art des années 60, David Hockney. Ce récit impressionniste d’une nature en éveil fut réalisé entre le 1er janvier et le 2 juin 2011 et montré pour la première fois lors d’une exposition à la Royal Academy de Londres en 2012. La palette de couleur du peintre anglais, né en 1937 à Bradford dans le Yorkshire, est numérique, le geste rapide, la captation de la lumière sensible et claire, le propos d’un impressionnisme dont les pigments sont des pixels synesthésiques.

« J’avais coutume de penser que l’ordinateur était trop lent pour un dessinateur. Vous terminiez une ligne et l’ordinateur avait 15 secondes de retard, ce qui est une absurdité pour un dessinateur. Mais le matériel s’est amélioré et permet désormais de dessiner en couleurs très librement et très rapidement. Toute innovation mise à disposition des artistes comporte des avantages et des inconvénients, mais la vitesse et les couleurs aujourd’hui disponibles constituent une nouveauté (…) » David Hockney

En hiver, à Woldgate, les branches des arbres semblent dessinés des fusains noirs à la recherche d’une blanche lumière. A la fin de l’été, elles s’alourdissent, chargées de feuilles vertes et charnues. La vie renaît. L’hiver que choisit David Hockney pour « peindre » ce printemps là en twenty-eleven fut rude, bien que la neige tardive. Assis dans sa voiture pour se protéger du froid, l’artiste connu pour son « Pop Art » commence à dessiner à l’aide de son Ipad cette renaissance invisible à l’œil nu car souterraine et silencieuse de l’éveil du printemps. La rapidité de l’exécution d’un Ipad offrait un support idéal à la situation particulière que vivait David Hockney à son poste d’observation sur cette route romane du Yorshire, dont il est originaire. Sa ponctuation picturale fut celle de l’axe de la renaissance temporelle.

Il lui fallut d’abord peindre l’hiver. Rendre perceptible cette lente montée de sève. La palette bichrome blanche et noire n’est certes pas à proscrire pour dessiner l’hiver mais Hockney la nuance de tonalités plus subtiles, celles de la transfiguration qu’est le récit du printemps. Le printemps n’est pas vert. L’hiver n’est pas blanc. Les saisons se dégradent en nuances tonales de formes et de couleurs. David Hockney les sublime en violine, en vert, en pourpre, en orange, en rose, en bleu, en rouge, en ocre. Métamorphose d’une terre dont sourd une pousse, qui devient tige, puis fleur, traits, points, traces dansantes, serpentantes dans la couleur exubérante d’un reflet de lumière nourricière. Printemps 2011.

C’est ce récit de lumière qui anime les doigts, le stylet du peintre sur l’écran lumineux, car il s’agit bien de peinture impressionniste, bien que le support soit autre et dérangeant. Le caractère ligneux de la branche d’hiver offre une respiration architecturale dans laquelle la nature reine dicte ses maturations verdoyantes. L’Ipad permet à l’artiste anglais l’aisance fulgurante du printemps, la vivacité des doigts de maître parcourent, dessinent, touchent.

David Hockney suivit l’enseignement de la Royale Academy de Bradford raconte dans une trame narrative cette naissance à Woldgate, et le titre de chaque œuvre n’est qu’une date précise. L’accrochage ne respecte pas cette temporalité, le récit linéaire éclate et nous sommes en présence d’une analepse où la nature se révèle transfigurée d’ocres, de jaunes, de pourpres, de verts, de noirs, de roses, de marrons. Acceptions tonales qui ne noient pas la composition de l’œuvre mais en révèle l’incroyable profondeur. Exubérance printanière de l’impressionnisme hockneyien. Il reçut un enseignement académique de peinture et de lithographie au Royal College section peinture à l’école d’art de Bradford, sa ville natale. Il visait certes la ressemblance, mais ce qui préoccupait surtout le jeune artiste qui peignait d’après nature, c’était la justesse du ton : « le ton, être juste, [d’] avoir le ton juste » p.24. Ici il égrène, sème, invente. « Vous pouvez toujours parler de forme à propos d’une peinture figurative, mais il y a autre chose » p.37. C’est cet autre chose là qu’atteint David Hockney.

En évoquant Degas, l’un de ses maîtres avec Picasso, il écrit : « (…) c’est l’œil de Degas, son point de vue qui comptent, les réponses qu’il trouve, qu’il sent. » p.38 et David Hockney a su trouver ses réponses à ce printemps transfiguré dans un twenty-eleven I-padé.