Si les recherches biotechnologiques de pointe menées aussi bien au Japon qu’aux Etats Unis concernent principalement des robots anthropomorphes c’est du côté de l’imaginaire littéraire et artistique qu’il faut chercher une antériorité à une robotique animale telle que Nicolas Darrot la déploie tout cet été à la Maison Rouge.
Formé aux Beaux Arts de Paris il a pris dans les ateliers de Jean Michel Alberola et Joël Kermarrec, la dimension poétique et l’exigence du projet tandis que dans des ateliers pratiques il s’est initié aux techniques du métal, de la forge et de la soudure dans une esthétique post-Tinguely. Ses études l’ont aussi mis en contact avec des « bidouilleurs » issus du cinéma.
C’est ainsi qu’il a conçu son atelier parisien encombré d’objets accumulés, comme un lieu de fabrication et un laboratoire : où l’expérience peut produire autant d’ événements, que d’ accidents.
Nicolas Darrot appartient à une génération de jeune d’artistes-inventeurs comme Christiaan Zwanikken, et ses sculptures biomécaniques, les installations politiques de Malachi Farrell ou les créatures mixtes de Yanobe Kenji qui programment avec leur ordinateur la vie de créatures artificielles, d’entités qui présentent simultanément des caractères humains, animaux, machiniques voire écologiques.
Dès l’entrée de l’exposition la série Dronecast (2002-2008), présentant sous vitrines des insectes mutants, évoque un bestiaire fantastique à la Borges, si ce n’est qu’une préoccupation plus contemporaine suggère déjà par son titre les intentions plus belliqueuses de ces créatures mi animales mi machines de guerre.
Au sous sol les Curiosae mettent en scène la domination de différents groupes d’insectes dans une atmosphère poétique qui pourrait rappeler celle de la plasticienne allemande Rebecca Horn dont les sculptures mettent en mouvement des ailes ou leur composante la plume pour sa Machine-Paon par exemple. Là où ses œuvres animées « cristallisent le vécu dans une sorte de formule chimique » comme elle le revendique Darrot cherche au contraire une théâtralisation d’attitude humaines bien connues chez les fabulistes.
Les Injonctions datant de 2008-2009 constituent de véritables petits théâtres de marionnettes animées qui comportent une dimension humoristique certaine, qui se manifeste dans l’étroitesse et la répétitivité des gestes possibles.
Dans la partie médiane de la Maison Rouge entrent en dialogue deux scènes liées par une même poétique liée à des mythologies anciennes. Dans la plus haute salle une sorte de ballet se déjouant de la pesanteur fait se mouvoir deux figures fantômatiques et bruissantes en toile de parachute qui entrent en résonance avec Ariel une créature entre yéti et danseur burkinabé, issue de la Tempête de Shakespeare. En arrière de leur dialogue lentement dansé une sculpture de bronze dynamise deux pieds portés par de minuscules créatures, la condition humaine s’y trouve figurée. En parallèle dans la salle basse où sont installées des vitrines trône un agneau mystique Misty Lamb d’où s’échappent des émanations embrumées, il est surmontée par un rideau en or fait d’une toile en couverture de survie qui à intervalle régulier vient le masquer. L’ensemble apparaît très prenant, une illustration du destin animal. L’univers de l’artiste qui peut apparaître incisif, et provocant a une dimension éminemment philosophique. En cela il rejoint les préoccupations d’un Joan Fontcuberta quand avec Pere Formiguera ils constituaient Fauna, une cryptozoologie constituée en pseudoscience chargée de l’étude d’animaux imaginaires.