Un commissariat d’exposition de Flore Gaulmier, figure incontournable et sensible de la scène photographique marseillaise, connue notamment pour ses actions pédagogiques sur le motif du végétal ; soit quatre propositions photographiques passionnantes et exclusivement féminines (Emilie Allais, Rachel Cassetta, Vanessa Hublot, Karine Maussière) à venir. Des travaux revendiqués comme « émergeants » réunis dans « Amorce # 3 » …
Parmi elles, un coup de cœur toutefois qui sera l’objet de cet article : le travail au polaroid, mais pas que désormais…, de Karine Maussière qui arpente inlassablement depuis un an les plages, les forêts et les montagnes volcaniques de La Réunion.
« C’est au milieu de l’océan indien, que l’île surgit. Des tréfonds de la terre, l’île de la Réunion naît de l’ancienne Lémurie, continent mythique.
Je me retrouve à arpenter ses paysages sous le soleil ou dans la brume. Avec Le Royaume Vert ou L’océan des possibles, il est question de mon expérience physique et sensible du monde, où le déplacement me permet d’entrer dans le paysage. Je parle de ma relation à la nature primaire, la géologie, le volcan, la météorologie et ses caprices, l’espace et l’astronomie. » déclare la photographe qui lorgne de plus en plus sur les modèles méthodologiques que constituent les sciences exactes.
La marche chère notamment à David Le Breton (Cf. Eloge de la marche, 2000) est au cœur, depuis ses débuts et son tour du monde à l’ère de la photophonie balbutiante encore dans la première décennie du XXIe siècle (sous la forme de délicates et contemplatives miniatures accompagnées de textes courts, car avant l’ère des smartphones l’image du téléphone rappelons-le avait tendance à pixelliser beaucoup) , de la démarche photographique de Karine Maussière.
En résidence à l’Ile de La Réunion, elle multiplie les prises de vue au film à développement instantané qu’est le nouveau polaroid produit par Fuji, le magnifique Fujifilm Instax, dans toutes ses déclinaisons de format, aux bleus très saturés.
Désormais, la photographe convoque aussi ponctuellement une technique ancestrale très en vogue, le cyanotype inventé à la fin du XIXe siècle, à l’origine destiné à reproduire avec précision des plans d’architecte. A juste titre ? Le recours au bleu si caractéristique et séduisant est parfois une facilité qui masque dans d’autres travaux contemporains la faiblesse formelle des images. Ce n’est assurément pas le cas chez Karine Maussière ou chez Remi Guerrin, l’autre figure fotopoveresque majeure en France qui a poussé avec beaucoup de retenue cette pratique à son paroxysme sensible, mais chez d’autres… on peut légitimement s’interroger sur le phénomène esthétisant de multiplication de telles ratiques, une forme de nouveau maniérisme. Le regard de Karinne Maussière recourant au cyanotype est avant tout celui d’une entomologiste occasionnelle fascinée, comme d’ailleurs son amie et bien prénommée Flore Gaulmier, par les motifs floraux et la géologie.
La marche s’affirme donc, on l’a dit, plus que jamais pour cette randonneuse une pensée et vision en mouvement. Ce goût pour le mouvement s’affirme dans les longues fresques, notamment de bords de mer, qu’elle élabore habituellement depuis quelques années en juxtaposant les vues à l’origine minuscules, sous la forme d’agrandissements ou exposées telles quelles.
Le dispositif composite qui en résulte, association de détails et vues d’ensemble protéiformes, est bien une « constellation » au sens propre et figuré. C’est ainsi que la commissaire et critique Anne Immelé (Cf. Constellations photographiques, 2015) qualifie ces nouveaux modes d’accrochages récurrents et si stimulants pour l’œil et l’imagination dans la photographie contemporaine, qui sonnent désormais le glas des traditionnels accrochages muséaux en rang d’oignons, aux passes-partout sagement biseautés.
A l’occasion de l’exposition, Arnaud Bizalion a la bonne idée de publier un fanzine, à découvrir lui aussi.