Le travail de la présence :

« Le travail photographique de Jean-Jacques Gonzales » de Jérôme Thélot existe quelque part entre l’essai et la monographie, si ce sont les photographies qui dominent à la première fréquentation du livre, le texte y occupe une place essentielle, celui de Thélot sur l’œuvre de Gonzales, mais aussi celui de l’artiste lui-même par la présence d’éléments de son journal intitulé « la fiction d’un éblouissant rail continu ». Ce nouvel ouvrage publié par l’Atelier contemporain confirme l’intérêt particulier de la maison pour la phénoménologie et les gestes artistiques qui y font échos.

La mer, la montagne, des arbres, beaucoup d’arbres, de différentes essences, des végétaux, un univers végétal et minéral, brumeux, sinueux, mélancolique, sublime au sens de ce qui nous dépasse et silencieux, et noir et blanc rocailleux et lavé d’ombres, toujours tendus vers l’abstraction et dépourvus de corps, images métaphysiques sans aucun doute, puisque Le travail photographique de Jean-Jacques Gonzales place la question philosophique au cœur de la recherche de l’artiste. Le texte de Thélot nourrit cette piste, considère que ces « images cristallisent une aventure spirituelle », que l’obscurité omniprésente renvoie à la sensation qui conditionne l’expérience du monde comme à la dualité de la pensée occidentale.

Le texte de Thélot n’est pas une préface dont on pourrait se dispenser, mais bien un essai qui propose des hypothèses de lectures de l’œuvre de Gonzales. D’ailleurs de petites phrases sous les photographies qui pourraient passer pour des titres d’œuvre, sont en vérité des éléments pris au texte de Thélot. Une série singulière « Des profils perdus », laisse apparaître des corps humains dans le champ du visible et pourtant les visages sont hors cadre.

Ces photographies ont été réalisées à partir de photographies de famille, celle de l’artiste lors de son enfance en Algérie, à Oran, avant la guerre. Recadrer et photographier ces images-là est une manière de se réapproprier le passé, de le revoir, autrement, en portant intérêt aux arrière-fonds, à ce qui n’était pas au centre lors de la prise de vue initiale. « Chaque photographie doit être le résultat d’une méditation ; soit pour aller vers, soit pour être capable de voir. Trouver, recevoir. » écrit l’artiste au fil de son journal de travail. Gonzales, travaille beaucoup ses négatifs pour débouter l’évidence documentaire de la machine et par là même favoriser la « résurrection de la présence par le tombeau de la représentation », selon la formulation de Thélot.