L’élan vital de Julie Chaux, sur une image de William Klein

Le numéro quatre de la revue « L’élan vital » m’est parvenu par l’intermédiaire de Julie Chaux qui y publie un texte très personnel sur une photo de sa collection. Au format A5, elle comporte quarante pages numérotées en chiffres romains et ses illustrations viennent du dessin, de la photographie, de la sculpture et de la culture en général. Elle présente un look un peu rétro dans sa mise en page comme dans ses choix esthétiques. 

Couverture revue l'élan vital numéro 4

Sous la direction de Thierry Démure Di Nicola, peintre, elle réunit des participations d’Eric du Bellay, cinéaste et photographe, de Mathilde Bonotaux poétesse et photographe et de Yoann Pradel, philosophe et musicien. 

En première et quatrième de couverture deux dessins du responsable de la revue mettent en valeur des fragments corporels féminins d’une grande délicatesse. À l’intérieur de la revue son portfolio en hommage à l’Aphrodite de Praxitèle apparait plus attendu. Un double ensemble photo et sculpture d’Eric du Bellay semble plus convaincant. Dans la même veine un autoportrait nu dans un miroir de Mathilde Bonotaux, bien que classique reste sensible.  

Les deux essais les plus intéressants nous ramènent au XXe siècle. Yoann Pradel consacre une étude à Im the Walrus des Beatles en comparaison avec l’Alice de Lewis Carroll. Une mise en page graphique très recherchée joue de lectures différentes dans des sens inattendus, mêlant vignettes et petites notes. 

Je connais Julie Chaux depuis son enfance pour avoir eu le plaisir de travailler avec Michèle Chomette, sa mère, qui m’a assez tôt fait confiance en tant que critique et j’ai eu la chance grâce à elle de publier mon premier texte sur Paolo Gioli pour son exposition au Musée Réattu et de suivre son pool d’artistes très exceptionnels. Dans le métier on était habitué à voir la très jeune Julie dans les expositions et vernissages, à qui on demandait son avis pour tel achat d’œuvre. Elle témoigne ici aussi de la collection que ses parents lui ont constitué avec la contribution occasionnelle de certains artistes de la galerie familiale sur le thème Trésors d’enfance. 

Son texte est l’occasion d’analyser un célèbre tirage de William Klein de la série Gun, datant de 1955 qui lui a appartenu. Elle personnalise les deux personnages présents dans un jeu de mots enfantin, le plus grand faisant face à l’objectif auquel il tend le canon d’un revolver, et le plus petit de profil. Les différentes versions retravaillées graphiquement à la peinture par Klein à partir des années 90, lui permettent sur la planche contact agrandie et customisée de découvrir un troisième acteur, un jeune noir. En même temps le geste du plus jeune révèle sur une gachette imaginaire un mimétisme avec l’action du grand frère. Elle avoue aussi qu’elle a connu dans sa génération deux frères qui lui évoquent par leur violence ceux mis en scène par le photographe. 

En conclusion elle nous confesse qu’elle a du se séparer de ce tirage en même temps que de toute sa collection vendue aux enchères en 2019 à la mort de son père, afin de régler les frais de succession du regretté Bernard Chaux, architecte si cultivé et d’un commerce si agréable, moment cruel de faire le deuil de son enfance. Ce texte nous rappelle avec sensibilité et intelligence les liens intrinsèques entretenus par chaque collectionneur avec ses œuvres.