Les 10 ans de Fisheye, un must

Pour son dixième anniversaire Fisheye publie un numéro spécial de 188 pages, accompagné d’un tiré à part consacré aux finalistes du Prix Fisheye de la création visuelle. Cette revue s affirme définitivement comme l observatoire idéal de la création photographique contemporaine. Pour montrer la constance de leur engagement le corps de ce numéro est composé de l invitation faite à 10 artistes, ayant été révélé(e)s dans d’anciens numéros.

En ouverture la rédaction rappelle les chiffres :« 10 ans. 60 numéros. 9 000 pages – sans compter les hors-séries et les livres. Plus de 500 portfolios imprimés. 8 000 environ sur internet. » et insiste sur son positionnement : « Nous avons trouvé un chemin singulier et diversifié qui assure notre indépendance la plus totale, (…) nous avons pris le parti des auteur·rice·s des artistes, des photographes qui défendent un propos. »

En couverture une commande passée à la lauréate du Prix Fisheye de la création visuelle, Juliette Alhmah, révèle sa fascination pour l astre solaire et les phénomènes visuels. La série nominée construit une fable dystopique d’un monde où le soleil ne se coucherait plus avec les conséquences écologiques afférentes. Le tiré à part permet la découverte complémentaire des oeuvres de Florent Tanet, Étienne Francey, Gabriele Cecconi, Samuel Morand, Cristobal Ascencio, Ann Massal, Jenni Toivonen, Elsa Leydier et Matthias Pasquet.

Pour faire retour sur les couvertures les plus frappantes 10 institutionnel(le)s proposent leur choix et donnent un avis critique sur la publication. Un historien comme Michel Poivert témoigne à côté de conservatrices comme Marie Robert (Orsay) ou Nathalie Heschdorfer (Musée de l Elysée , Lausanne). Quentin Bajac (Jeu de Paume) répond à l’enquête comme Audrey Hoareau ( Centre régional de la photographie Hauts de France) et des responsables de festivals internationaux tels Fariba Farshad (Photo London), Azu Nwagbogu ( Lagos Photo festival) et une personnalité aussi incontestable que Joan Fontcuberta , seul artiste et théoricien. L’image qu’il choisit liée à la nourriture lui fait penser à la théorie du philosophe brésilien Norval Baitello Junior sur l’ère de l’iconophagie actuelle.

Le thèmes récurrents concernent les menaces écologiques, les affirmations du genre, les mythologies personnelles, le rapport au surnaturel via la tradition. Des liens formels existent d’un portfolio à l’autre . Une même localisation sur des gestes de mains sont communs à Cyril Abad pour sa France magique et à Nicola Lo Calzo pour Lyannaj sur la communauté queer. L’approche corporel de ce dernier, fragmentée, rejoint les clichés de remise en question de la virilité pa Sander Coers dans Post.

Trois séries mettent en perspective la nature, ses avatars et épisodes événementiels. De Finlande Sari Soininen extrait des vues proches mêlant plantes, paysages et animaux Son titre Shallow Waters Misty Waves répond à celui de Marine Lanier sur L’habit du naufrage où elle scnérise en sombres couleurs des tempêtes impressionnantes.Juliette-Andrea Elie donne à voir avec Fire)(Scapes les conditions scientifiques de grands incendies, ses photo graphismes appliqués sur des paysages en couleurs aux nuances pastel. L’ensemble est d’une grande force visuelle et testimoniale.

Le rapport à des traditions culturelles ou folkloriques mobilise aussi bien Bénédicte Kurzen qui explore la culture mahoraise tandis Cyril Abad témoigne des pratiques marginales d’une magie exercée dans différentes régions. Cela complète le travail qu’il mène avec Eugénie Bacot en Estonie sur la Métaphore du Kratt qui illustre les craintes des habitants sur les menaces des nouvelles technologies quant à leur quotidien. De façon plus singulière Ella Bats avec Song Blues illustre des corps qui dansent dans une pénombre colorée tandis que Boby mène une pratique documentaire sur les émeutes parisiennes avec un sens développé des compositions les plus complexes.

Dans son approche critique générale la revue inaugure aussi un format vidéo appelé Focus qui concerne des artistes de la jeune génération aussi importants que Mathieu Farcy, Matthieu Gafsou, Ulrich Lebeuf, Anaïs Boudot ou Camille Gharbi. La collection Sub voit trois nouvelles parutions Il maker de Mono Okabe et De chlore et de rose de Christopher Barrajo et le regard critique et ironique sur les clichés de mariage Le plus beau jour de ma vie de Jean-Chistian Bourcart .

En fin de numéro on retrouve les Coups de coeur où l’on peut remarquer les multiples expositions noir et blanc qui géométrisent les vues d aéroport deChien-Chi-Cheng. Quant aux critiques de livres on a plaisir à y lire un commentaire su essai de Philippe Bazin Refonder la modernité qui aborde de façon si singulière et si cohérente l’oeuvre de Jef Wall.