Pour sa cinquième édition la manifestation des Baux de ¨Provence Publications d’artistes s’est tenue ce week end du 3 au 5 juin alliant expositions et rencontres avec les rares institutions qui s’y consacrent, les créateurs, et les éditeurs. A l’initiative de la Fabrique sensible menée par Francine Zubeil amateurs et collectionneurs côtoient les nombreux touristes qui fréquentent la sublime cité des Alpilles
Il est impossible d’évoquer le livre d’artiste sans citer l’action du Centre National Edition Art Imprimé (cneai) dirigé depuis 1997 par Sylvie Boulanger, commissaire d’exposition, éditrice et chercheuse. Pour défendre ces publications elle a créé en 2004 le salon Light qu’ elle a transformé depuis l’an dernier en MAD (Multiple Art Day) qui pendant 3 jours présente un panorama des pratiques éditoriales contemporaines, de l’édition fanzine aux œuvres rares : prints, multiples, livres, films et disques d’artistes…. Cette institution située sur l’ Ile des Impressionnistes, à Chatou est la plus active dans ce domaine avec le Centre des livres d’artistes (cdla) basé depuis 1994 à Saint-Yrieix-la-Perche, en Limousin. Elle était pour la seconde fois l’invitée des rencontres provençales sur les statuts des acteurs qu’elle définit « tour à tour comme artistes, éditeurs, curateurs, voire collectionneurs ». L’ensemble des publications était présentée dans une scénographie très inspirée, la salle basse de l’ancienne Citerne accueillait les productions noir et blanc d’Ange Leccia et de Samon Takahashi qui recouvraient le sol tandis que la Chapelle peinte par Yves Brayer dressait la grande table d’un banquet où les éditions étaient regroupées par gamme colorées.
L’autre personnalité incontournable de ce champ de recherche est Anne Moeglin-Delcroix, professeur émérite de philosophie de l’art qui accompagne ces rencontres depuis l’an dernier. Après avoir été responsable du département livres d’artistes à la BNF de 1979 à 1994 elle a poursuivi en tant que critique et commissaire indépendante. Elle a collaboré aussi avec un autre partenaire de Francine Zubeil le FRAC PACA qui a soutenu sa manifestation. Celle-ci a commencé son travail en tant qu’artiste plasticienne, création dont témoigne son livre Panique Générale (1993) , elle a géré les Editions de l’Observatoire de 1989 à 1999 avec Laurent Malone avant de fonder ses propres éditions en Arles sous l’intitulé La Fabrique sensible dès 2005.
Après Antoni Muntadas l’an dernier les deux artistes invités étaient cette année Suzanne Hetzel et Jean-Marie Krauth. Les éditions Analogues viennent de publier 7 saisons en Camargue dans une maquette très élaborée de Vincent Perrotet. Aux Baux en plus d’un rappel de ses nombreux catalogues et d’un accrochage des tirages de ce dernier ouvrage elle expose sous forme d’installation Arpège un nouvel ensemble de doubles pages constituées de pratiques mixtes écriture, photographie, objets qui a partir de tessons de porcelaine et de leurs reproductions photographiques invitent le lecteur à reconstituer des puzzle de vies imaginées.
Formé à la sculpture Jean-Marie Krauth interroge les espaces qu’il investit pour y développer des univers secrets, souvent liés à des formes langagières dont l’humour n’est pas exclus. Si Raymond Hains n’a jamais eu de vrai héritier, diverses productions éditoriales ou des expositions comme Je suis absent jusqu’à mon retour au Magasin de Grenoble donnent l’occasion de rapprocher les deux univers artistiques. La longue quête d’un jeu de cartes composé d’unités trouvées au long des voyages de l’artiste dont tous les versos sont différents fait l’objet de Judith et le Bouffon. Que faire ? est une recollection de tampons qui pose cette question fondamentale dans toutes les langues, elles aussi rencontrées lors des pérégrinations. L’éditrice en est JU-Young Kim artiste elle aussi d’origine coréenne et qui fut l’étudiante de Jean-Marie Krauth à Strasbourg. Ensemble ils composent une fiction calandaire drôlatique Un printemps pourri. Chaque jour est composé par un montage de couvertures d’ouvrages grand public policiers ou fictions.
Cette manifestation fait preuve d’un grand professionnalisme, elle demeure à taille humaine, la diversité des esthétiques qu’elle met en œuvre prouve la richesse de ces productions éditoriales, la singularité des protocoles de création qui en sont à l’origine et leur dynamisme au sein de l’art contemporain.