Les archi-data-tectures d’Edgar Martins

Dans la continuité de nos collaborations avec Voies-Off nous attribuons pour la seconde année un prix à un auteur de la sélection estivale de Christope Laloi et de son équipe, sous la forme d’un texte critique et d’un petit portefolio mis en ligne sur notre site.Après Michel Le Belhomme l’an dernier nous avons choisi avec Paul di Felice et Dorothée Smith de mettre en valeur les recherches d’Egard Martins.

Né au Portugal, à Evora, en 1977, Edgar Martins s’est installé à Londres en 1996 où il a passé un diplôme supérieur de photographie au Royal College of Art. Il a connu assez vite une vraie renommée internationale grâce à l’exigence de sa démarche qui à partir d’un retour sur l’évolution de l’architecture développe une réflexion politique d’une haute tenue plastique.

This is not a house série réalisée en 2008 aux Etats Unis, une sorte de fiction documentaire témoigne de la catastrophe humaine vécue par les américains victimes des subprimes et dont il photographie les maisons abandonnées en cours de construction, ou atteintes par une déshérence partielle, des sortes de ruines sociales instantanées.

Les parisiens se souviennent peut être avoir vu son exposition La ligne volage à la Fondation Gulbenkian à Paris en 2010, la qualité des oeuvres, la rigueur de leur cadrage ne voyait pas tout à fait ce ce titre répondre , sinon de façon ironique, à l’exigence du propos, à son acuité. Attaché au devenir ruine de la cité industrielle, à ses topographies il en organise les composantes urbaines dans ses « Reluctant monoliths » soit en all over qui dévore l’espace où l’humain n’a plus de place , soit en miniatures disparaissant à l’horizon d’une sorte de nocturne artificiel.

Dans A metaphysical survey of britishs dwellings sa plus récente série il dresse une cartographie métaphysique d’habitats britanniques , extraits d’une ville fictive qui sert de centre d’entrainement à la police anglaise. Nous errons dans les seuls décors qui restent de cette superproduction en diffusion continue connue sous le label « réalité ». Comme chez Thomas Demand les frontières sont perméables entre maquette, bâtisse stylisée et pur décor.La simulation qui gagne toute forme générique d’habitat humain anticipe sur la virtualisation générale de toute présence humaine. L’espace est traité comme un clone de lui-même, tout paysage semble devenir un pur datascape comme Joan Fontcuberta ou Ryioji Ikeda les ont traités.

Au sujet de ce dernier Dominique Moulon écrit dans Art contemporain et nouveaux médias (Nouvelles Editions Scala 2011) : « La notion de data pluriel de fatum en latin et représentant des groupes d’informations ou données en informatique est une notion communes à plusieurs oeuvres, installations ou performance de Ryoji Ikeda : Datamatics, Data-scan ou data-tecture. »

De même que l’argent est devenu de plus en plus virtuel, les fonctions habitat et travail du Monopoly mondialiste s’épuisent à se ressembler dans une idéologie du faire-valoir. Dans une palette de couleurs froides , les rares éclats de lumière viennent rehausser des détails qui nous mettent sur la voie d’un futur destin tragique de nos civilisations que le recours à de nouvelles data ne suffiront pas à éviter.