La pesanteur et la grâce ont elles encore droit d’être citées, à charge bien entendu, dans les huis clos tactiques de l’art contemporain et de son marché, quitte à trouver à s’exercer dans l’espace de la galerie. Le vidéaste canadien Wyn Geleynse, spécialiste de l’installation, relève cet apparent défi à la galerie Anton Weller.
L’artiste est aujourd’hui cet individu en butte à toutes sortes de défis minuscules et effarants. Coincé dans la recherche d’une logique d’échappement il subit la concomitante présence de toutes sortes d’enregistrements sonores et visuels, de résidus mémoires d’œuvres toutes aussi incontournables, et de ces indécidables expériences sensorielles, sans compter ce capital temps à gérer dans la possible destination de l’œuvre. Questions certes propres à l’atelier mais dont on peut attendre réponse dans le laboratoire du désir, et pour une fois la galerie, ici celle d’Isabelle Suret, peut offrir ce fragile abri.
Wyn Geleynse tout étonné de son audace, ici manifeste par l’abandon de son mode favori, l’installation, se dédouane en s’accusant de « parfois penser trop bruyamment » d’où le recours à différentes petites forme. Mais celles-ci s’interpénètrent et, vite, trouvent à faire chorus. Parcellaires, elle convoquent la totalité de l’œuvre.
Qu’on se souvienne de ces monumentales et fragiles installations vues deux ans auparavant dans le même lieu ou de l’ensemble tout encore plus dévoreur d’espace et d’imaginaire au Centre Culturel Canadien cette même année. Le mode opératoire en était déjà un halt/escape qui permettait de forcer à quitter les espaces de la déshérence.
La question temps s’est jouée à la dimension quotidienne, expérience de vacuité à partager avec le spectateur, son trop grand corps face à l’impénétrable espace de la maquette. Aujourd’hui dans la galerie, l’artiste redonne dimension humaine à son visiteur comme au collectionneur, la taille est celle d’une expérience intime, là où s’interroge l’œuvre sur le papier. Là s’enchaînent ces supports qui se lient, format carnet des autoportraits dessinés, storyboard des faux panoramiques mal raccords de diptyques photos et projection pour vidéoprojecteur de salon de deux œuvres qui jouent des regards en biais de l’artiste sur son imaginaire.
Parfois,
Le temps de l’artiste, At Times, est celui de ses propres ruptures
Je pense,
Le cogito de l’atelier, I think, mes voyages romantiques au cœur de la matière comme destin enregistré
Too loudly, ce trop de bruit n’est pas celui d’une mauvaise définition amateur de la vidéo, non plus que les stop signaux hétérogènes qui dynamisent le montage, laissant cependant le capital interprétation sur le compte du regardeur.
Pesanteur et grâce, sont celles d’un exercice de juste retour sur soi que l’artiste au plein cœur de sa maîtrîse se donne pour danger, pour notre plus grand bonheur.