Un nouveau livre numérique est consacré par les éditions Naima aux Journées du son organisées par l’école d’art de Bourges , selon leur formule récente une édition papier est produite à la demande par les Presses du réel. Cet essai est coordonné par Alexandre Castant, critique d’art et enseignant dans l’établissement. Loin d’une seule expérimentation limitée ce livre montre de façon kaléidoscopique les potentiels des créations sonores au coeur des arts contemporains en s’appuyant sur une expérience de trente ans.
L’essentiel du livre s’attache à décrire le sonore à l’oeuvre au travers des expériences et des ateliers selon les thèmes suivants IMAGES, ESPACES VOLUMES, MUSIQUE et FICTION,ECRITURE,PERFORMANCE autant d’entrées qui révèlent le large spectre de cette recherche. Ce corpus principal est précédé d’un historique et d’une approche théorique et suivi d’un compte rendu des actions au seins du Post Diplôme et la diffusion de RadioRadio et d’initiatives menées Hors les murs.
Après avoir évoqué le fait qu’Edouard Branly (1844-1940 ) l’inventeur de la T.S.F. fut enseignant à Bourges dans ce qui deviendra l’Ecole d’Art Alexandre Castant rappelle que la première exposition de La Box, sa galerie, fut consacrée à la célèbre vidéo de Bill Viola He Weeps for You filmant une goutte d’eau tombant au ralenti sur un tambour au son amplifié. Il revendique aussi l’antériorité d’une autre exposition en 1996 Zona Radio : Keeping Time de Maurizio Nannucci, une anthologie des pratiques sonores dans l’art contemporain.
Alexandre Castant rappelle aussi son propre chemin critique initié à partir de la photographie vers le son. Pour l’INA il a produit Le partage des sens , micro-histoire du son dans l’art contemporain qui analyse les relations photo-son de 1993 à 1996. Il évoque ces formes courtes comme des Polaroïds sonores. Y participent des créateurs comme Denis Roche, Gérard Collin-Thiebaud , Laurie Anderson ou Joris Ivens . Pour asseoir son champ de recherche il a publié trois essais Planète sonore (2007), Journal audiobiographique (2016) et Les arts sonores (2107). Fort de ce parcours personnel il a créé dans l’école son Atelier sonore d’esthétique en 2005. Il y invite ses étudiants à produire des pièces courtes « qui font la description, le commentaire sociologique ou l analyse avec des sons ou la voix d’une oeuvre d’art ».
Un autre enseignant participant à ces Journées est le cinéaste Erik Bullot , un de ses films s appuie sur une définition du père jésuite Athanasius Kircher Le son est le singe de la lumière. Le troisième membre de cette équipe pédagogique est Jérôme Joy, artiste compositeur, improvisateur et interprète notamment du Pendulum Music de Steve Reich à Saint Nazaire en 2016. Une de ses oeuvres très significative est son Collective Jukebox (1996-2004 ) appartenant à la collection du FRAC PACA, qui regroupe 1487 oeuvres à écouter de 557 artistes.
Le livre revient sur les deux vedettes qui ont animé cette recherche. En 2005 le canadien Michael Snow à la fois peintre , sculpteur, cinéaste, photographe et musicien y présentera Decisive Moments et organisera un workshop pour l’enregistrement d’une langue imaginaire. L’évènement a été accompagné d’une exposition à La Box et au Transpalettes et a fait l’objet d’un film d’Erik Bullot Glossolalie. Les autres invités les plus fameux ont été The Residents en 2019 qui y ont réalisé la scénographie de l’album God in Three Persons, version reprise au MOMA l’année suivante. Ce collectif américain est connu pour ses productions discographiques de plus de 80 albums , son théâtre musical performé et ses vidéos d’art. Cette interprétation de la Trinité narre l’histoire de siamois.e.s non binaires et tarnsgenres qui subissent les manipulations du show-biz.
Le post-diplôme est la vitrine de cette action de recherche. La promotion 2022 est nommée Punkte, titre d’une oeuvre d’une pionnière mal connue de la musique électronique Ursula Bogner. D’autres promotions ont emprunté leur nom à des créateurs plus connus comme Luciano Berio, Luigi Nono ou Steve Reich. La diversité des productions y est significative de l’ensemble des recherches dans ce domaine : « des chorales noise à la fiction sonore, de la performance immersive aux reprises technoïdes ».