Doit on voir dans les identités multiples incarnées par SMITH la source de cet épisode collectif qui vient de se tenir à la galerie Les filles du calvaire. Pour qui comme moi suit en critique le travail ou plus véritablement l’oeuvre depuis son origine à chaque nouvelle étape l’interrogation initiale se fait plus cruciale tandis qu’assez vite lui succède la fascination, étape qui demande de laisser reposer la complexe réception pour en tirer sinon leçon du moins approche à partager.
SMITH qui a toujours questionné la légitimité du genre à travers ses avatars s’est fait un nom au détriment de ses prénoms et titres, Dorothée, Bogdan à quoi s’est accolé Chthulu et Traum. Cette nouvelle étape du nom assumé seul en majuscule , à l’instar d’ORLAN, correspond à une revendication transgenre d’une importance vitale. Nous en prenons acte.
Parallèlement la signature de l’ensemble se veut collective au nom de la cellule COSMIEL avec la complicité de Jean-Philippe Uzan, astrophysicien et Lucien Raphmaj, écrivain, scénariste et critique littéraire. Ils ont ainsi nommé leur groupe de recherche en hommage au personnage du livre Le Voyage cosmique extatique d’ Athanasius Kircher, jésuite allemand du XVIe siècle, Cosmiel est un ange invitant son disciple Jean à une déambulation éthérée au sein du système solaire.
Dès lors nous pouvons retourner sur les lieux, nous y sommes accueillis par une imposante structure métallique construite par le studio de design DIPLOMATES qui occupe tout le rez de chaussée de la galerie. La construction symétrique précédé d’un portant façon défilé de mode encadre la petite scène d’une projection vidéo. S’y succèdent des séquences courtes récupérées sur internet où l’on assiste à des enregistrements de chutes de comètes. De chaque côté deux sièges dépouillés surplombés de tubes néons séparés par une photo de paysage céleste facilitent le lâcher prise et peut être l’accession à la communauté des désidérés.
L’hypothèse postulée par SMITH et la cellule Cosmiel est que ses membres sont des êtres qui manifestent une sorte de nostalgie liée au cosmos à travers leur origine cosmique perdue. La prise en considération de cet état singulier
trouve son origine dans la trace génétique d’une vie stellaire en nous que la société nous aurait poussé à oublier, et dont les résurgences psychiques chez certain-e-s, se manifesterait sous la forme d’une sorte de mélancolie des étoiles.
Au premier étage de la galerie une autre cellule de désidération se détache sur un fond de décor d’une grande luxuriance, tandis qu’au mur sont posés sur une cornière métallique des tirages réalisés sur dibond qui se chevauchent en suggérant intimités et fraternités. L’ensemble renouvelé régulièrement au long de l’exposition constitue une sorte de portrait collectif de ces êtres singuliers.
Pour que l’hypothèse de leur état désidéré soit mieux testée le work in progress
s’est adjoint des partenaires de recherche tels le le compositeur Akira Rabelais, la créatrice de mode Élisabeth de Senneville, le chasseur de météorites Luc Labenne ou le philosophe Paul B. Preciado. De même que le courant paradoxal des fictions documentaires est très actif aujourd’hui pour cette proposition indisciplinaire SMITH souhaite parler de “Speculative fabulation” selon la formule de Donna Haraway, une autre manière sensible d’imaginer le-s devenir-s de nos sociétés, de nos civilisations, à partir de l’imaginaire se développant entre art et science.