Les confidences d’une génération de femmes de plus de 60 ans 

Un livret de Mathilde Fraysse

Ils ne voient pas qu’on est jeunes aussi, photographies et paroles de femmes de plus de 70 ans. Édité par La maison François Méchain, 2024

Mathilde Fraysse fait partie de nos « Paris critiques » d’artistes émergents sans galerie, elle y est présentée par Nicole Vitré Méchain, directrice de la Maison François Méchain qui vient de l’accueillir en résidence de création en milieu rural. C’est dans ce cadre qu’elle a produit le petit livre « Ils ne voient pas qu’on est jeunes aussi ». Les photos sont prises au domicile de femmes de plus de 60 ans, avec qui elle mène un entretien autour de leur vie et de leurs souvenirs.

L’ensemble de ses séries habituelles fonctionnent sur des dualités au service du féminin Portraits Maisons, Femmes Chambres et  Femmes Forêts. Ici ces portraits de lieux intimes parce qu’ils remplacent les visages des protagonistes agissent comme des photographies négociées, ces protocoles établis dans les années 90 par Marc Pataut et Michel Séméniako, dans une nouvelle forme de relation aux modèles. 

Les plans sont serrés, focalisant le point sur un objet au centre du cadre, parfois dédoublé comme cet élégant couple d’oiseaux en céramique. La douceur feutrée de cet univers semble actualiser celui de la regrettée Claude Batho transposé en couleurs actuelles plutôt travaillées en camaïeux.

Le féminin est clairement connoté dès la couverture cadrant la manche bouffante d’une combinaison accrochée sur une corde à linge. La première image en double page intérieure décadre deux espaces pour symboliser la situation de rencontre, table à café en partie haute et pointes de souliers rouges sous la table. 

En ouverture la photographe revendique la double présence « du décor floral agrémenté de tissus et de tous ces bibelots ».

En dehors des cloisons le quotidien de la maison est présent à travers une assiette dans un évier et d’autres séchant sur un égouttoir.

Des activités de création ou a minima de loisirs sont évoquées avec un cahier fermé, puis le même ouvert sur une page d’écriture recouvrant un puzzle découpant un portrait d’enfant. Des quotidiens et revues en vrac témoignent de la mort d’Alain Delon.

Certaines photos suggèrent une progression à l’intérieur d’une maison générique, ainsi ce store à lamelles d’abord fermé sur des lettres ne constituant pas un message clair s’ouvre sur une élégante statuette se détachant sur un fond de tableau à côté de quelques fleurs. Un autre bouquet aux tons pastels sur fond noir leur fait suite. 

Le texte est constitué de montages de cotations courtes issues des entretiens précédant les prises de vues. Anonymisées, elles sont réunies autour de grands thèmes énoncés en tête de chapitre. 

Plusieurs d’entre eux concernent les métiers TRAVAIL, ORIENTATIONS,PAYSANNES ou SECRÉTARIAT, même si ce dernier évoque des tentatives de harcèlement. Les relations humaines sont caractérisées par des paroles intimes

MON MARI, MA MÈRE, MEUF, DRAGUE, PSY, SOLITUDE, MERVEILLEUX AMOURS, VIEILLIR, DRAME. 

En conclusion les 3 dernières citations concernent la mort et font face à une image ambigüe d’une masse compacte évoquant à la fois un véhicule et une tombe. 

Sans volonté de démonstration relevant des sciences humaines cet ensemble photos-textes constitue un sensible portrait de génération au féminin. 

Son site : https://mathildefraysse.fr

À lire aussi