L’essai « Vu(es) de dos » de Cristina Dias de Magalhaes est sous titré « la photographie espace d’identité et de création ». Elle y questionne sa pratique photographique selon une approche phénoménologique du regard, qu’elle confronte à divers praticiens contemporains. Ce livre est publié dans la collection Eidos dirigée par François Soulages et Michel Costantini aux éditions de l’Harmattan. On y trouve d’autres essais d’artistes tels Hortense Soichet, Marcel Fortini, Philippe Bazin ou Catherine Rebois. Il est illustré de reproductions de l’artiste, malheureusement en noir et blanc, quand beaucoup de ses oeuvres dont ses « Autoportraits » sont en couleurs.
L’auteure entame sa réflexion sur son obsession de vouloir voir son propre dos et celui des autres : « En partant de mon corps comme source d’expérimentation, j’exprime ce besoin d’exister autrement, à travers cette part qui semble invisible à mon regard. » Elle revient ensuite logiquement sur les différents protocoles qui lui permettent de se donner accès à cette part secrète d’elle même.
S’il est un auteur curieusement absent de cet essai c’est bien le Denis Roche de Louve Basse publié au Seuil en 1974 et sous titré Ce n’est pas le mot qui fait la guerre c’est la mort . Au moment où il double son activité poétique d’une pratique d’auto-représentation photographique il imagine que se voir de dos c’est comme se voir mort et il termine son essai poétique par un ensemble de vues de dos en noir et blanc. Face à ce positionnement philosophique masculin l’expérience de création de Cristina Dias de Magalhaes est animée par une dynamique féminine sensible qui se révèle par les références qu’elle convoque.
Les oeuvres citées montrent ce positionnement artistique on y trouve des tenants du body art et leurs expérimentations en images comme Douglas Gordon, John Coplans ou Hannah Villiger et bien entendu diverses artistes d’un féminisme illustré telles Lorna Simpson, Tara Bogart et son Modern Style Hair, Claudia Passeri, Cindy Sherman ou Jemima Stehli et son strip tease face à des personnalités de l’art.
Son travail se dynamise dans ses déplacements physiques à la rencontre de l’autre comme d’autres espaces géographiques. Elle en témoigne : « En tant qu’interface, la vue de dos semble donner sur un lieu ou une territorialité anthropologique et artistique, qui suggère une autre manière d’être, de voir et de penser le monde. » On n’est pas étonné dans ce type d’approche de voir qu’elle cite les dos couturés de Sophie Riestelhueber comme autant de paysages de guerre ou les différentes expériences d’artistes comme Sophie Calle dans Voir la mer ou une grande partie de l’oeuvre d’Elina Brotherus.
Le travail de Cristina Dias de Magalhaes s’affirme dans des approches sérielles d’une grande force plastique, où la couleur joue sa part de variable sensuelle. Après différentes séries explorant dans diverses situations locales les paysages d’un corps non spécifiquement genré elle poursuit son approche d’un autre corps plus marqué de façon mémorielle dans Embody présenté actuellement au Mois Européen de la Photographie à l’Abbaye de Neimenster à Luxembourg.