Avec sa nouvelle directrice Raphaëlle Stopin la galerie photographique Pôle Image Haute-Normandie présente LONDON CHRONICLES de Stephen Gill, une première en France après l’ample rétrospective que lui consacrait récemment le musée FOAM d’Amsterdam, on peut y découvrir des séries réalisées entre 2002 et 2013 par l’artiste anglais.
Le prétexte local de recensement photographique d’une ville a donné lieu à une pléthore de clichés éditoriaux. Quand Stephen Gill consacre toute son activité de plasticien à Londres c’est au contraire une vision très atypique de la cité qui nous est proposée. De Londres il saisit le tissu urbain et ses habitants, ses oiseaux, et l’envers du décor se focalisant sur son seul quartier, Hackney, centre d’un vaste marché pour les populations défavorisées. Pour cela il convoque toutes les stratégies imageantes en pré ou post production de ses tirages.
Pour le dialogue qu’il entame au ras du sol avec les fourmis, Talking to Ants, il recueille toutes sortes de débris qu’il intègre dans son appareil avant de refaire des prises de vues. Ces photogrammes réalisés dans la chambre noire de la caméra mélangent les échelles pour un double prélèvement horizontal et vertical.
Off Ground, marque une autre manie de collectionneur tout en témoignant des émeutes de Hackney en 2011 par une série typologique, des pierres et autres gravats servant de projectiles ont été prélevés dans les rues lors des émeutes pour être reproduits en studio.
C’est un dialogue plus traditionnellement documentaire qu’il installe avec les Pigeons son appareil saisit grâce à un bras stéréoscopique le dessous des bâtiments où vont nicher les volatiles surpris en gros plan dans l’intimité de leurs nids de fortune.
A la manière de Joachim Schmid il recueille les images de mariage produites professionnellement dans les années 1930 à 50 dans ce même quartier de l’East End. Il crée ainsi des tableaux du moment le plus attendu, celui du baiser public des nouveaux époux.
Quand sa pratique devient plus documentaire sur des espaces intermédiaires Best Before End, il intervient en post-production en trempant ses tirages dans des boissons énergisantes qui en ramollissent les couches sensibles lui permettant toutes sortes de transformations formelles.
Pour ses œuvres des Hackney Flowers, il recouvre ses tirages de fleurs prélevées dans les jardins ouvriers et les parcs du quartier, donnant une dimension ironique à ces lieux sans grâce.
Mêlant cueillettes et récoltes d’images Stephen Gill renouvelle les pratiques des fictions documentaires en créant des œuvres mixed média qui donnent une image faussement séduisante et kitsch des sites et en propose une critique pleine d’humour.