LOCO est né au printemps 2008 de l’association d’Anne Zweibaum, et d’Éric Cez. Forte d’une longue et riche expérience dans le milieu de l’édition, notre équipe met tout en œuvre pour réaliser des livres exigeants dans le domaine de la photographie, de l’art et de l’illustré en général. Chaque ouvrage est conçu et fabriqué avec une attention toute particulière : un livre est unique et doit traduire, dans son fond, dans sa forme, la particularité d’un propos, d’une œuvre, d’une aventure humaine. L’image, et la photographie en particulier occupent une place prépondérante dans notre production. Avec plus de 60 titres à notre catalogue, nous développons plusieurs axes, de la monographie d’artiste à l’ouvrage plus généraliste.

Quelle est votre situation économique actuelle ?

Eric Cez– Nous avions, avant cette crise, l’habitude de maintenir notre activité dans un contexte économique déjà très fragile. Nous sommes aujourd’hui encore plus fragilisés par ces mois de confinement qui ont interrompu les ventes de livres, qui ont ajourné des projets qui auraient dû accompagner des manifestations ou expositions… Nous avons dû réduire au plus nos charges tout en maintenant l’accompagnement des livres en cours, pour ne pas être pris de cours lors de la sortie de crise.

Quelles précautions avez vous prises pour répondre aux menaces sur le secteur ? 

Eric Cez – Nous avons donc réduit les charges de fonctionnement grâce aux mesures proposées aux entreprises : passage en temps partiel, report des charges sociales. Nous avons eu également la chance que notre bailleur étant la ville de Paris, notre loyer soit reporté. Outre ces dispositifs, nous avons fait une demande de prêt bancaire garanti bpi dont l’étude est en cours. Toutes ces mesures pour faciliter une certaine trésorerie nécessaire au bon fonctionnement de notre entreprise et au règlement de nos collaborateurs (souvent indépendants et donc touchés encore plus par cette crise) et nos fournisseurs.
Par ailleurs, il nous a fallu revoir notre programme de parutions sur près d’une année. Malgré la fragilité de notre économie, malgré les ventes de livres en berne, nous espérons pouvoir tenir.

Quelles sont les collections qui marchent le mieux ?

Eric Cez – Même si nous avons maintenant plusieurs ouvrages de textes, les éditions Loco ne développent pas précisément un système de collection éditoriale. Nous privilégions plutôt les livres individualisés en fonction du projet, de l’auteur, de la particularité d’un travail artistique.

Quels sont vos livres phares ? 

Eric Cez – Si nous parlons de succès de vente, le livre qui a récemment particulièrement bien marché est Notre Dame des Landes ou le métier de vivre. Juste avant le confinement, nous venions de sortir 365 degrés d’amour de Alice Khol que les libraires ont très bien accueilli.
Pour le reste, il nous est difficile de mettre en avant un livre plus qu’un autre, étant attachés à l’ensemble de notre production.

Quels sont vos projets dans les 6 prochains mois ? 

Eric Cez – Nous sortons plusieurs monographies de photographes dont le premier livre de Lionel Jusseret, Kinderszenen, un fabuleux travail que le photographe a constitué sur plusieurs années avec des enfants autistes ; La reine de la patate de Françoise Chadaillac, une immersion en noir et blanc dans le Québec des années 1980 à travers son travail sur les « cabanes à frites », les ancêtres des food trucks ; En l’état de Franck Gérard, sa première monographie réunissant plus de 20 ans de photographie sur plus de 400 pages… D’autres ouvrages sont également à paraître comme Le grand jour de Catherine Rombouts, un poignant livre de photographie autour de l’euthanasie de sa mère ; En construction relatant dix ans d’atelier photographique mené par Andrea Keen à l’école des beaux arts de Nancy. Puis les nouveaux livres d’artistes que nous suivons comme Anne-Lise Broyer (Le chant de la phalène), Michel Campeau (Capital Camera), Claire Chevrier (Espaces traversés). Nous avons un programme bien chargé…

Quelles sont vos rapports avec les diffuseurs et distributeurs ? 

Eric Cez – Nous avions déjà une étroite collaboration avec notre diffuseur (L’Entrelivre) et distributeur (Les Belles lettres), elle est renforcée par les décisions que nous devons prendre dans cette période. Revoir notre calendrier de parution (et donc repousser la parution de certains titres) que nous avions proposé avant le confinement afin d’éviter un engorgement de nouveautés chez les libraires et pouvoir travailler comme il se doit chacune de nos nouveautés.

Attendez vous une réaction et de l’aide du Ministère de la Culture ? 

Eric Cez – À travers le collectif France Photobook, réunissant plusieurs éditeurs de livres de photographie, nous avons fait remonter au ministère de la culture notre inquiétude sur l’impact que cette crise allait provoquer sur tout un secteur éditorial à l’économie fragile. Nous avons demandé que des dispositifs d’aides spéciales puissent être prises (comme cela a pu être le cas pour les galeries d’art contemporain). Nous travaillons, par ailleurs, à ce que des aides à l’édition plus spécifiquement liées aux particularisme de l’édition photographique soit étudiées. Par ailleurs, nous nous sommes mobilisés pour que l’édition puisse bénéficier de tarifs spéciaux pour les affranchissements postaux, nerf de la guerre pour la diffusion de nos livres.

Qu’attendez vous des critiques d’art ? 

Eric Cez – Il est évident que nous souffrons d’un manque de discours autour d’une production éditoriale artistique. Dans la presse générale et spécialisée une vrai place devrait être accordée aux commentaires sur les livres d’art qui devrait dépasser les quelques lignes recopiant souvent un argumentaire de presse. Ces ouvrages nécessitent qu’ils soit analysés, commentés tant dans leur contenu que dans la forme qu’ils mettent en œuvre (choix d’un format, d’un papier, d’une mise en page…) pour le porter auprès d’un public qui a besoin de clés de décryptages. Il y a aujourd’hui une richesse dans la production de livres d’art qui n’est certainement pas assez valorisée par les critiques d’art.

Comment envisagez vous le rapport papier / électronique ? 

Eric Cez – Nous sommes dans un secteur (le livre d’art) dont l’objet reste prépondérant. Nous créons des livres au tirage souvent petit dont le choix d’un format, d’un papier, d’un type de reliure sont tout autant signifiant que le travail artistique qu’il porte. Nous pourrions certainement envisager une forme électronique pour l’édition du catalogue raisonné d’une œuvre, mais difficilement pour un projet spécifique. Le livre dans sa matérialité a quelque chose de l’œuvre d’art, dans sa multiplicité, certes, et avec les codes qui sont les siens. Ce que, par exemple, l’artiste Alix Delmas a beaucoup envisagé dans son œuvre : l’objet livre comme sculpture (que nous pouvons retrouver dans sa monographie Captures).