Les extensions radicales du salon A ppro che 2024

Le salon A ppro che reste à l’avant-garde de l’expression photographique actuelle, cette année en plus des 15 galeries européennes investissant les deux niveaux du Molière, une collaboration avec le Drawing Hotel offre une autre vitrine dans la même rue. L’ensemble conçu par Emilia Genuardi et Audrey Illouz est complété par une exposition en ligne d’œuvres virtuelles sous l’étiquette Extended dans un commissariat de Dominique Moulon, membre de Commissaires d’Expositions Associés. Sylvie Bonnot et son travail de photo-sculpture d’arbres vu l’an dernier est présenté également dans Lux #1.

La partie principale a renouvelé majoritairement ses exposants comprenant 3 galeries belges, 2 italiennes, 1 portugaise, 1 suisse, 1 hollandaise, 1 franco-américaine et 6 françaises. On peut apprécier les diverses techniques mises en œuvre ainsi que les pratiques mixtes où la photo s’allie à la sculpture, la broderie ou le tissage, l’installation et la vidéo. Une invitation faite à La PODA La petite Œuvre d’Art propose une collection de petits tirages encadrés de différents auteurs.

Trois approches différentes de l’architecture et de l’urbanisme montrent d’autres façons d’habiter et de rendre sensible cette composante humaine. Dans ses Espaces transitifs, la Portugaise Inès d’Orey s’attache aux transformations du patrimoine, ses images installées dans d’anciennes boites lumineuses établissent des liens plastiques avec la mémoire des lieux. Jesse Wallace manipule physiquement et numériquement les images de ses voyages. Son installation Hotel Hollywood Roosevelt organise tirages encadrés et sculptures photographiques pour des fictions architecturales documentaires. Daniel Bourgais concentre des centaines de vues en une seule image reportée sur papier ou sur tissu grâce à son procédé de photogrammétrie. Ses Paysages morcelés donnent une image quasi générique d’un urbanisme contemporain.

Jesse Wallace

Dans la recherche de matérialité nouvelle différentes solutions plastiques sont expérimentées. Benoit Lefeuvre récupère sur le net des images vernaculaires de paysage, notamment forestiers dont il réalise des négatifs argentiques. Ceux-ci sont enterrés et le temps fait son érosion sur eux pour cet ensemble nommé Rooted. La danoise Susanne Wellm mêle tirage et tissage à partir d’images personnelles et anonymes, toutes ainsi venues comme De l’autre côté du réel, superposées et découpées, elles sont liées par des fils de coton qui les restructurent pour une autre vision. La Hollandaise Jackie Mulder imprime ses Thought Trails sur des textiles transparents. Ses images de natures sont construites et modifiées avec de la cire d’abeille, de la broderie et du dessin. Présentées de plus en suspension, elles acquièrent ainsi une fragilité au caractère japonisant d’une belle puissance poétique. Le travail mixte le plus subtil est sans conteste celui de la Française Isabelle Chapuis présentée par une fidèle du salon, la galerie suisse Analix Forever. Pour Terre éther elle prend à la fois sur le terrain des images paysagères et des échantillons de terre. Dans l’atelier elle tire ses images en grand format et ajoute des touches successives peintes avec un lavis terreux de sa composition.

Jackie Mulder
Isabelle Chapuis

Dans le hall du Drawing Hotel, Juliette-Andréa Elie montre de subtiles tirages couleurs réhaussés de dessins et associés à de petits volumes photo qui reconstituent des corps de volatiles haut en couleurs.

Juliette-Andréa Elie

Deux approches intimes au féminin sont l’œuvre de la Française Sara Imloul et de l’Italienne Alessandra Calò. Dans ses Passages de l’ombre aux images, la première utilise des noirs et blancs d’une grande densité pour donner matière à ses souvenirs, matérialisés dans des objets et des mises en scène d’où sourd une mélancolie pleine d’émotion. Mémoire et identité font depuis plusieurs années l’objet des recherches d’Alessandra Calò qu’elle matérialise par des procédés anciens mettant en exergue des archives personnelles. Ici ses tirages oléotypes au bromodium sur papier coton de la série chthonien sont d’une grande sensualité redonnant une vie nouvelle à ces vues anciennes.

Alessandra Calò

La série la plus convaincante dans ses liens entre image anonyme, intelligence artificielle et respect de l’identité sur les réseaux sociaux est due au belge Antoine De Winter. Elle met à la question la production et la circulation de l’image contemporaine de l’individu. Ses interventions successives produisent des images-objets de portraits d’une grande prégnance.

Antoine De Winter

Extended dans une sélection purement française permet de retrouver des artistes du virtuel dont on suit les recherches depuis longtemps, comme Lionel Bayol-Thémines ou le duo Brodbeck&de Barbuat. On prend connaissance d’un autre aspect de la création de Daniel Bourgais. C’est l’occasion aussi de découvrir les réalisations singulières d’Albertine Meunier et les productions communes d’Edouard Taufenbach et Bastien Pourtout.