Les fluidités sensibles des limons d’André Guenoun

La galerie orléanaise POCTB, Le Pays où le ciel est toujours bleu expose André Guenoun, peintre et photographe qui accroche jusqu’au 9 février ses assemblages de peintures sur papier de la série « de limo terrae ». Ce nom latin qui désigne des limons a ici le mérite de nous faire entendre à la fois la vocation terrienne de ces œuvres et de supputer un territoire imaginaire. 

Né à Oran en 1949, André Guenoun a mené ses études aux Beaux-Arts de Paris de 1976 à 1981. Son œuvre récente se caractérise par des protocoles stricts. Il choisit d’abord des papiers ultra-lisses dont il déclare « Je peins sur un support spécial, non-absorbant, qui a une lumière extraordinaire. »  Les formats en restent petits pour être ensuite assemblés en tableaux. 

Il les dispose au sol ne fixant que les coins de chaque feuille, avant d’y apposer sa matière fluide faite de pigments colorés acryliques allongés d’eau et mêlés à de l’encre de Chine. Une alchimie s’opère entre les principes de matières grasses et maigres. La fixation partielle laisse les éléments circuler, et permet aux excédents, comme l’eau, de s’évaporer. Il laisse ensuite ses feuilles reposer, sécher, évoluer avant de les assembler. Il dit vouloir grâce à la dérive des pigments et à la dynamique des fluides « laisser le territoire ruisseler, hors d’une trop grande maitrise ». 

Dans son texte « Les Jeux de l’Eau, du Miel et de l’Encre » Christian Bonnefoi écrivait dès 2014 : « Dans l’atelier d’André Guenoun, l’eau dans tous ses états s’impose comme le médium par excellence, une sorte de diaphane arrivé à maturité de corps, au seuil de la vision » et il l’assimile à « un “style” issu de l’expressionnisme abstrait, marqué par Morris Louis ou Marc Devade, dans l’usage de la coulure, orientée selon les lois de la pesanteur. »

Le choix du format reconstitué impose au spectateur un rapport corporel qui fonde une lecture dynamique. La fragmentation formelle issue de ces transformations physiques reste moins importante dans cette appropriation sensible que ce parcours du regard à travers les transparences, les masses colorées et les volumes suggérés. 

Le territoire imaginaire picturalement mis en place relève à la fois d’une géographie aérienne et d’un univers organique qui semble proliférer dans la matière du papier investi dans cette manipulation. 

Même si sa production photographique majoritairement en noir et blanc peut sembler différente de ces peintures ici exposées, Florence Chevallier fait ainsi le lien : « Choses vues, dans leur fragilité, leur précarité, cependant nimbées de lumière et renvoyant par analogie, pas tant aux œuvres peintes elles-mêmes qu’aux conditions de leur apparition et à la réconciliation provisoire de l’abstraction et de la figuration. »

Au spectateur d’inventer ses propres chemins dans ces méandres formels issus de ces fluidités aussi diverses que riches dans leur palette sensuelle. 

Le pays où le ciel est toujours bleu — POCTB
5, rue des Grands Champs, Orléans
Exposition jusqu’au 9 février 2025
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