Pour leur 15e édition les Promenades Photographiques de Vendôme réunissent une quinzaine de créateurs sous le prétexte « Eloge de la lenteur » , que l’on peut lire comme une variante de la Slow Photography à l’européenne. L’affiche consacrée à un autoportrait féminin de l’allemande Barbara Wolff a suscité des critiques féministes, sans considération de la teneur historique de l’oeuvre. Ce petit festival à taille humaine développe cependant toutes sortes de pratiques photographiques d’une réelle exigence. En complément le prix Marc Grosset poursuit son soutien à la création des écoles spécialisées à un niveau international et un nouvel espace Zone i offre une ouverture sur le territoire vendômois.
Deux artistes allemands participant au site www.collectionregard.de sont exposés cette année Dietrich Olmanns utilise la chambre de très grand format ou la caméra obscura multi-objectifs pour ses créations sérielles en noir et blanc qui l’aident à donner une vision cinégraphique du monde. En arrivant dans la salle du musée dédiée aux présentations temporaires, celle de Barbara Wolff, une structure d’accrochage en occupe le centre, regroupant des nus féminins rehaussés à la feuille d’or, tandis que les murs autour et derrière la structure laissent approcher des corps socialement cadrés dans leur quotidien de l’ex-Allemagne de l’Est. Le hiatus entre ces corps exprimant leur désir malgré l’auto-censure des rehauts d’or et les corps soumis à un régime idéologiquement contraignant fait que l’on doit y reconnaitre une revendication féministe, un peu de considération historique des conditions de production des images reste aujourd’hui essentielle.
Les pratiques argentiques traditionnelles sont représentées par le trio familial d’Anny Duperrey, de son père Lucien Legras et de sa soeur Patricia, cette filiation créative permet de comprendre des vocations d’amateurs éclairés qui allient avec justesse exercices lumineux en noir et blanc, portraits et natures mortes. Des images anciennes sont travaillées par Michel Dieudonné dans sa collaboration avec l’écrivaine Miryam Louis pour La capture. Jeux sur le négatif, déformations sous l’agrandisseur, recadrages et autres interprétations laborantines engagent le visiteur dans une fiction intime intégrée dans des histoires de famille.
Thomas Gosset opère lui des interventions graphiques sur ses propres négatifs pour dynamiter des portraits qui prennent soudain un caractère d’une grande violence. L’accrochage de ses oeuvres de Primitive Acids est ici accentué par un système de coulures peintes qui en dramatisent encore les effets.
Deux artistes expérimentent aussi la matière d’un noir et blanc expressionniste dans des approches fort différentes. D’origine iranienne Payram, vivant en France depuis 1983, a utilisé son Polaroïd 55 pour rendre compte des activités des artisans syriens qui lui rappellent ceux de son pays natal. Une installation évoque avec images et sons la proximité dynamique des échoppes du souk où sont travaillés Métal, Savon et Pierre. Une même esthétique sert à Sarah Moon pour installer en photographie et vidéo son conte pour adulte La sirène d’Auderville. Accueillie dans le Moulin de la Fontaine à Thoré la Rochette, site repris par Mat Jacob pour y installer sa structure Zone i, cet ensemble cohabite avec un labyrinthe créé par Jean-Philippe Mauchien à partir de portes et fenêtres récupérés localement pour une sorte de land art domestique d’une grande puissance ludique.
La ville donne lieu à deux interprétations en couleurs celle tendant à l’abstrait de Franco Fontana date des années 1990 , ses Urban Landscape sont proches d’une esthétique picturale moderniste. Mat Jacob l’un des fondateurs de Tendance Floue expose à la gare TGV de Vendôme Villiers sa série La Tour Sentinelle qui montre l’action des graffeurs, peintres et tagueurs, ayant investi une barre HLM après l’expulsion de ses habitants et avant sa destruction. Couleurs électriques et matières domestiques des logements sont cadrés au plus près pour rendre la vivacité de ces actions. Un autre état de la ville actuelle nous est donné par les ensembles de 8 images tirées sur bâche par Marc Melki qui montrent tous ces sdf adultes et enfants réunis sous le titre Et si c’était vous ? Accrochées à l’extérieur des bâtiments du quartier Rochambeau elles constituent comme des substituts de vitraux pour des situations dénoncées par l’association Droits d’Urgence.
La jeune création féminine s’exerce en couleurs pour des fictions documentaires explorant des sujets à l’actualité plus ou moins directe. Florence Joubert donne une vision poétique du dernier observatoire météorologique habité de France, situé sur le Mont Aigoual. Explorant les archives écrites des registres d’observation rédigés à la plume, l’artiste diplômée de l’ESAD les confronte avec les lieux et instruments en les humanisant par des portraits de ceux qui y exercent encore leur exploration scientifique de Gardiens du temps. Le prix Marc Grosset 2018 avait été attribué à Margaux Senlis formée à l’Ecole des Gobelins et ayant intégré cette année le master de l’ENSP d’Arles. Après son travail sur les mines anti-personnelles, elle s’intéresse cette année à la menace écologique qui menace les abeilles de disparition. Sa série Propolis se veut un hommage au difficile métier des apiculteurs et apicultrices dont elle saisit les actions de sauvegarde en couleurs subtiles. Pour le prix des écoles de photographie c’est encore une jeune diplômée des Gobelins qui propose une des installations les plus réussies. Titrée Uacan, le vide en maya, elle interroge les relations complexes entre créations artistiques locales et l’invasion touristique qui tente de se les approprier avec des attentes sans relation avec les réalités de leur fonction.
L’installation la plus émouvante, la plus réussie se tient dans une pièce ovale au fond du Manège Rochambeau, cet hommage à l’éditeur Xavier Barral qui vient de mourir est scénographié par Monica Santos co-fondatrice de Zone i à partir d’une sélection de ses ouvrages qui sont mis en espace dans une sorte de panoramique de textes imprimés et d’images publiées.
Cette 15e édition d’une réelle sensibilité fait que l’on ne peut que s’inquiéter sur les menaces qui pèsent sur la possibilité pour la manifestation de disposer l’an prochain du manège Rochambeau, que la DRAC souhaite réserver à une manifestation d’art contemporain, comme si la photographie ici défendue n’était pas totalement partie prenante de cet art le plus contemporain.