Les métamorphoses politiques du corps à la MEP

Souvent la programmation de la Maison Européenne de la Photographie pour concerner un vaste public propose des expositions de haute qualité mais dont l’ensemble reste hétérogène. Ce trimestre si différentes pratiques de l’image s e trouvent confrontées, reportage, fiction documentaire, pratiques mixed média, une unité de préoccupation compose autant de variations autour du corps comme résultante de diverses actions politiques ou idéologiques qui génèrent ses transformations.

Les imposants portraits de femmes de ménage philipines exerçant en France par leur aspect sériel opposent des visages toujours dignes, parfois d’une étonnante beauté, à un corps souvent figé dans son maintien et surtout à des mains déformées par les travaux. Ryan Arbilo leur impose une tenue rigide et sa prise en contre plongée attire le regard vers le bas de l’image où les mains surexploitées de ces femmes perdent forme humaine, devenant racines ou comme le suggère le titre de la série animales, griffes d’oiseaux, « chicken hands ».

Au contraire c’est une déformation plus esthétique que subissent celles qui posent pour l’américain Herb Ritts « en pleine lumière ». Leur corps résolu en silhouette à contre-jour est régi par les drastiques canons de la mode. Si les cartels portent les prénoms de ces modèles, l’ensemble répond à un anonymat de la marchandisation des corps. L’un des portraits les plus puissants voit la chevelure brune d’un top-model superposer à son visage un trouble masque de mort.

Deux autres expositions questionnent l’identité et le genre, Paolo Titolo sublime de façon expressionniste des portraits de transexuelles, elles assument et mettent en exergue pour l’objectif leur hyper-féminité, ce que les voguers évoquent comme l’attitude CUNT. Gotscho est un habitué de la MEP, il réussit ici dans ce Remix à poursuivre son exploration d’un corps masculin hypermusclé en lien à une préciosité sensible. Il a renoncé à son exhubérance précédente pour mieux intégrer les composantes baroques de son art. Une série ancienne reprend sur le mode mixed media l’alliance de photographies où il se met en scène prolongées par des extensions de tissus, jupes, capes ou manteaux. Ce même type de vêtements fait l’objet d’une installation évoquant les canines d’essayage d’où les corps se sont absentés.

Fukushima : l’invisible révélé est un travail de fiction documentaire d’une réelle intensité mené par Hélène Lucien et Marc Pallain. Ils posent avec acuité la question du danger nucléaire. Maquette et vidéo-projection complètent des portraits en situation et des radiographies montrant les atteintes aux chairs et aux os. La trace des corps des victimes creusées dans les parois d’exposition sont mises en relation avec une sorte d’autel où des photos d’identité sont installées en ex-voto païens face à d’imposants sacs de déchets.