Le livre d’artiste exige de son lecteur une grande liberté d’approche, une ouverture à un monde qui se donne en peu de pages, il génère son espace propre autant que son mode de lecture. Loin sous la vague est un petit livre noir qui se tient au creux de la main, il est l’œuvre de Loeiza Jacq, et il annonce le début d’une série à paraitre aux éditions fissure.
A l’ouverture horizontale du livre où l’image apparaît plein cadre, est ce une voile, rien qu’une toile excitée par le vent ? Déjà en page 3 elle s’assombrit sans révéler sa nature. En lumière rasante est ce une grève, ou le muret effrité qui nous projette vers l’horizon d’une jetée ? Une silhouette d’homme s’y profile, comme une promesse de rencontre. Et ce ressac est il de sable, de neige ou de marée ? La silhouette masculine se dresse maintenant dans un fouillis de taches qui dessine une carte plus urbaine que marine, même si la matière en semble humide !
Cela s’affirme certainement en continuant de feuilleter page à page ce flip book d’un rêve programmé par la photographe, cela défile vague sur vague, on est dans l’eau jusqu’à la marge. Ce qui faisait crête s’obscurcit jusqu’à devenir promontoire au tissu de sable. L’eau encore nous submerge à la tournée de page. Un goéland si nettement s’en échappe que l’appareil semble en avoir capté le bruissement d’ailes au flou figé.
Ressac d’eau, elle nous y plonge. La vague semble affleurer vers un rivage qui apaise un peu le mouvement. Au dessus de nous ( ?) un corps flotte, est ce le héros de ce rêve humide ? Passage au presque noir, comme avant de percer la surface ! Un tissu quasi féminin arrive aussi à flottaison, gracile. Nous voilà donc deux dans l’eau ! Encore et encore une vague si bleue, si bleu nuit plutôt. Elle s’inverse pour devenir nuage dans un ciel chargé.
Mais le dernier mot c’est ce corps décidément mâle qui l’aura en avant dernière page, précédent le texte invoquant « la porosité du réel », toute sa silhouette se met en ascension, en érection oserions nous dire, sa dynamique verticale annonce la sortie de ce « rêve prêt-à-rêver, » comme une rencontre amoureuse.