La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Les voyages solaires du quotidien tissés par Maria Lai

Pour le centenaire de sa naissance le MAXXI de Rome consacre une rétrospective à l’oeuvre multiple de Maria Lai sous le titre repris d’une de ses créations « Tenir par la main le soleil ». L’artiste sarde décédée à 94 ans utilise toutes sortes de techniques qui ont toutes en commun la couture. Ayant fréquenté l’Académie des Beaux-Arts de Venise de 1943 à 1945 elle retourne après la guerre vivre et travailler en Sardaigne à Cagliari. En 2006 est inauguré dans sa ville natale d’Ulassai le Musée d’Art Contemporain, la Station d’Art, qui lui est dédié avec le don de plus de 140 œuvres de l’artiste. L’actuelle exposition romaine est structurée sur différents aphorismes qui définissent sa pratique.

Cette pratique se radicalise à partir de la fin des années 1960 en développant diverses formes où le textile et divers matériaux naturels, bois, pierre, papier entrent en synergie. Bien qu’utilisant différentes techniques ces oeuvres répondent à une si grande logique interne que les commissaires ont pu ne pas suivre la chronologie. Le premier motif de rassemblement des oeuvres s’appuie sur une première affirmation de l’auteure : « Etre c’est tisser. Coudre et raccommoder ».

Son aventure artistique est d’abord quotidienne inscrite dans sa pratique de la couture. Elle s’ouvre à tous les matériaux originaires de la tradition de l’artisanat sarde qu’elle conjugue pour ses oeuvres. Individuelle et solitaire elle n’aura de cesse de la partager. L’exercice de l’enseignement dans un établissement technique sera une première étape qu’elle jugera insuffisante. Son ambition s’exprime dans un autre de ses aphorismes qui constitue une autre étape de
l’exposition :« L’art est un jeu d’adulte. Jouer et raconter. » L’usage de matériaux usuels, la simplicité des actions quotidiennes engagées l’aideront à inaugurer une pratique partagée avec sa communauté. Filiberto Menna à propos de la manifestation Se lier à la montagne reconnaît qu’elle a « reconstruit un réseau de relations en reliant maison à maison, porte à porte, fenêtre à fenêtre et surtout personne à personne en surmontant les rancunes et les inimitiés et méfiances »

Une autre évolution sensible parcourt toute son oeuvre. Elle part des oeuvres faisant fusionner 2D et 3D dans une variation entre tableau et fenêtre.Une occurence pouvant être le métier à tisser. Le volume se développe ensuite jusqu’à envahir des espaces de plus en plus conséquents. On peut en voir la logique se manifester dans un autre chapitre celui du « Paysage Objet » dont la méthode envisage de « Disséminer et partager. »

Toujours attachée à l’expression littéraire qui on l’a vu soutient toute sa démarche, elle confronte ses réalisation sculpturales à des livres où l’écriture et le sens semblent s’être liquéfiés pour devenir un flot de fils noirs ou colorés tentant de s’échapper des doubles pages. En 2004, elle a reçu un doctorat honorifique en littérature de l’Université de Cagliari pour ce fort caractère narratif et conceptuel de son travail, réalisé avec des techniques traditionnelles et archaïques.

Ses préoccupations évoluent ensuite du livre à la carte, de l’espace littéraire imaginaire aux espaces célestes réels et fantasmés réunis autour du personnage du « Voyageur astral » en charge d’ « Imaginer l’ailleurs. » La dimension onirique et solaire se manifeste alors avec une grande puissance.

A partir d’une expérience sensible et même sensorielle d’un quotidien exalté Maria Lai nous incite à un partage qui s’exprime dans le titre général de cette rétrospective « L’art nous prend par la main. Rencontrer et participer. » Chaque oeuvre nous invite à expérimenter personnellement un de ces voyages tissés au fil à fil de la mémoire.

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