L’herbier nu d’Alma

Marie Denis poursuit ses expérimentations autour de l’herbier et du cabinet graphique dans cette exposition personnelle à la galerie Alberta Pane.
Elle tisse des liens avec les personnes qu’elle rencontre et fait corps avec la nature.
Le nom de l’exposition témoigne des relations affectives qui nourrissent le travail de l’artiste. Elle rend hommage aux spécimens humains et au règne végétal qui font partie de sa vie.

Des feuillages et éléments surgissent dans des plaques de verre de biologiste insérées dans une vieille malle, à la fois mystérieuse et tranchante. Ses « verdures noires » apparaissent comme des trésors répertoriés, fragments herborisés suite à un voyage botanique. L’œuvre fait écho à l’exploration de nouveaux mondes qui témoigne des découvertes au fil des siècles.
L’artiste nourrit ses œuvres au fur et à mesure de ses rencontres de spécimens avec lesquels elle joue, et procède par contact afin de proposer des séries de portraits masqués par les plantes. Posés les unes sur les autres, les boîtes sont ainsi disposées comme en attente d’être ouvertes. Le végétal impermanent devient miroir de l’humain et de sa fragilité. À la galerie, Marie Denis a aussi déposé des estampes et autres ordonnancements, pour constituer un espace où les œuvres semblent être stratifiées et se dévoilent pas à pas. Ses assemblages de matières inventoriées nous amènent dans un monde de traces et d’indices. Ses gestes sont ceux d’une amoureuse du vivant végétal dont elle semble avoir arrêté le temps.
Des œuvres manifestes, ciselées et radicales.
Dans des rouleaux, « des bouquets émotionnels » se livrent au regard de ceux qui prennent le temps de regarder.

Plus loin, deux feuillages d’Aralia sont piqués au mur par une grande épingle d’inox, comme dans les collections d’entomologie, ainsi figés dans une forme sculpturale. Des ensembles de fragments naturels d’un noir intense ponctuent l’espace et nous invitent à regarder au sol, souvenirs d’univers de nature. Celui de Marie Denis est riche en hypothèses, qu’il s’incarne sauvage, cultivé, sec ou artificiel, éléments détournés ou trouvés dans la poésie involontaire de la rue.

Car l’irruption de l’imprévisible, comme la nature l’est elle-même, est une des lignes de vie de son travail.
Elle s’attache à la mettre en scène pour révéler sa structure et ses formes durant un moment, mémoire d’instants vécus et d’herborisations introspectives.
Une exposition qui offre force et questionnement.
Quelle nature ? Comment la vivons-nous, la vivrons-nous ?

Telles sont les questions qui émergent des œuvres de Marie Denis, qui puise son inspiration dans son Ardèche natale, les friches, les parcs et la rue.
Elle réinvente les possibilités de l’estampe, et de maintenir le végétal en un état donné.

Ici, nous rentrons dans la réserve de l’artiste et d’une certaine manière dans sa tête. Ses œuvres ont en elles l’âme des personnes qui participent à son parcours. Dans cette exposition, Marie Denis rassemble ses archives, ses matières et images qu’elle récolte, préserve et transforme au fil des années.
L’artiste compose « un herbier à l’os et cherche la forme poignante » dit-elle.
Son exposition se révèle comme un sombre et merveilleux rébus où les œuvres présentent des secrets à tiroirs, contenant des trésors de relations humaines et végétales.