La Cité Internationale des Arts et l’Ambassade du Brésil en France présentent, avec la collaboration de la galerie Sycomore art, une exposition de trois artistes brésiliennes, Silvia Mecozzi, Iracema Barbosa et Amalia Giacomini, dont les œuvres constituent des propositions plastiques et poétiques visant à transformer notre perception de l’espace en le réinventant.
Cette exposition est conçue comme un écho parisien aux manifestations qui auront lieu toute cette année 2009 dans le cadre de l’année de la France au Brésil. L’ambassade du Brésil en France veut apporter au public parisien une preuve supplémentaire de la vitalité de l’art contemporain dans son pays.
Que ces trois artistes soient des femmes, ne doit pas nous étonner. L’alliance entre une intelligence et une culture artistiques pointues et une sensibilité acérée trouve en elles à s’exprimer avec raffinement.
La Cité Internationale des Arts, en s’associant avec l’Ambassade du Brésil en France et en offrant son magnifique lieu d’exposition à cette aventure hors norme, démontre ainsi qu’elle s’engage sur une nouvelle voie visant à faire de ce lieu un lieu essentiel à Paris.
Deux des trois artistes de cette exposition sont représentées par la galerie Sycomore art. C’est la seule galerie parisienne à travailler de manière constante avec le Brésil et à être présente à la foire de Sao Paulo. Cette exposition confirme son rôle sur la scène parisienne et la pertinence de ses choix.
Ce qui caractérise ces trois artistes, c’est qu’elles ne considèrent pas que l’espace est une donnée à priori de notre perception. L’espace pour un artiste n’est pas cette part de réalité qui se trouve par exemple délimitée par des barrières ou des murs. Pour un artiste, l’espace est une donnée éminemment sensible mais irreprésentable. On ne peut que suggérer son existence. Telle est, en tout cas pour elles, la fonction de l’art. Leurs œuvres tendent, sans exception, vers ce but, libérer l’horizon de nos habitudes et réinventer l’espace.
Si nous croyons que l’espace est ce qui est contenu entre quatre murs, ces trois artistes, elles, savent que l’espace est ce qui court entre le ciel et la terre, entre le souffle et le corps, entre l’œil et l’esprit.
Elles s’emploient à faire surgir là où précisément on ne l’attend pas, la part de mystère qui hante les lieux. Elles vont ainsi tisser le vide qui vibre entre les murs, tendre des filets entre la rue et la salle, aligner des globes le long d’un mur jusqu’à nous faire sentir l’infini. Et chaque fois, c’est la consistance même du lieu qui est remise en question.
Silvia Mecozzi a pratiqué le dessin et la gravure. Elle a déployé ce geste en trois dimensions en hérissant de micro tubes souples en plastique des surfaces aux formes allusives. La puissance visuelle devient alors puissance tactile. D’autre part elle grave sur des boules en céramique des petits poèmes et des traits qui sont comme des forêts de signes. Les mots servent à fixer les rêves et des touffes de lignes qui font comme des feux de nuit.
Ces boules, elle va ici en aligner cent, inscrivant sur le mur de la salle une nouvelle ligne d’horizon, porteuse de l’infinité des mondes et non plus limite de notre vision.
Iracema Barbosa a commencé par pratiquer la danse et la vidéo avant de se tourner vers des problématiques liées à l’espace l’architecture et la couleur. C’est en France où elle s’installe à partir de 2000 qu’elle s’approprie de nouveaux matériaux, comme des branches d’arbres morts qu’elle ramasse dans le bois de Vincennes et qu’elle coud avec des morceaux de tissus colorés.
Elle présente une installation faite de ces bois trouvés, mais triés et classés avec soin, qui semblent surgir du plafond comme des stalactites improbables. Ils forment une sorte de forêt colorée à travers laquelle nous déambulons, comme dans un paysage de rêve.
L’autre versant de son œuvre sera présent à travers une installation de bâtons de bois colorés. Le propos est cependant tout à fait différent. Il s’agit, avec ces bâtons droits et peints installés dans la salle de manière apparemment aléatoire, de donner à vivre autrement l’espace de l’exposition. En effet, ces lignes qui envahissent le lieu forment comme l’armature secrète de nos pensées géométriques. C’est la pensée humaine cette fois qui s’exhibe, labyrinthe de nos angoisses et de nos attentes.
Amalia Giacomini est la plus jeune de ces trois artistes. Sa démarche se situe à la croisée de deux préoccupations. La première concerne notre vision l’espace. En effet, nous voyons l’espace à travers un prisme culturel, intellectuel et construit, celui qui a été inventé à la Renaissance en Europe. Basé sur des théories optiques et mathématiques, cette conception de l’espace en fait la projection matérialisée à partir d’une grille. C’est cette grille qui constitue l’armature même de certaines de ses œuvres.
En installant au sens le plus strict cette grille dans l’espace réel, elle lui fait subir des déformations des distorsions. Elle utilise pour cela des fils extensibles qui envahissent le lieu d’exposition et donnent à l’espace une consistance fluide, instable, troublante. L’espace prend corps d’une manière contraire à nos croyances, car c’est comme le diagramme même de notre vision qui se retrouve mis en scène devant nos yeux.
En installant dans les angles d’une salle des grilles extensibles, Amalia Giacomini cherche aussi à inscrire dans un monde clos une certaine dimension poétique. Toiles d’araignée improbables, ces œuvres sont aussi liées aux conceptions les plus actuelles de l’espace. Celui-ci n’est plus pensé en fonction d’une géométrie statique mais de la topologie. C’est ainsi une pensée nouvelle qui est ici rendue sensible et c’est à une expérience rare que nous sommes conviés, celle de la transformation en perception poétique d’une vision scientifique de l’espace.