À paraître bientôt (novembre 2024), un livre auto-édité – une pratique devenue ces dernières années des plus fréquentes et recourant au « crowdfunding » – des calotypes de Martial Verdier.
« Les techniques sont beaucoup de calotypes « assistés », c’est-à-dire scannés et retravaillés, colorisés, etc., des sténopés, des pellicules périmées, de la trichromie aussi, un peu ce qui m’inspire devant le sujet. »
Ce livre propose un retour revendiqué aux origines de la photographie par le recours à la calotypie (le calotype a été inventé par William Henry Fox Talbot et breveté en 1841, c’est le premier procédé négatif – sur papier – de l’histoire de la photographie) et à la foto povera, en même temps qu’un bon en avant technologique par le recours au logiciel informatique de retouche et de colorisation des images. D’où l’expression de « calotype assisté ».
De janvier 2018 à septembre 2019, Martial Verdier a ainsi parcouru la ville industrielle fantôme de Longwy, située dans l’est de La France, enregistrant les vestiges d’une activité révolue, s’intéressant à ce que le regretté anthropologue Marc Augé nommait les « non-lieux de la sur-modernité ». Des espaces intermédiaires désertés et revisités par l’esthétique archaïsante de la foto povera.
« Quand on arrive pour la première fois à Longwy, on peut être surpris ! On découvre une ville construite autour des usines… » : la première phrase du livre, signée comme les autres du photographe, donne d’emblée le ton. Aucune présence humaine, juste des vestiges tels que des wagons et des hangars à l’abandon nous sont donnés à voir…
Mais qu’on ne s’y trompe pas : l’esthétique revendiquée par Martial Verdier n’est en rien nostalgique. Ce qui l’intéresse avant tout, c’est de travailler la matière brute de l’image en n’hésitant pas à convoquer différentes techniques de prise de vue, à contrecourant du diktat de perfection orchestré aujourd’hui par les marques d’appareils, les milieux de la mode et de la publicité : « Techniques historiques, calotype, sténopé, photographie argentique, pellicules périmées, pseudo-autochromes, procédés amateurs, alternatifs, parallèles et décalés, images enchâssées ou contemporaines pour sentir la matière de l’image. » confie l’auteur qui recourt par ailleurs tout autant à la photographie argentique que numérique, au format carré que rectangulaire.
Plus loin dans le livre, Martial Verdier interroge ce fertile paradoxe : « Existe-t-il une photographie plasticienne documentaire ? » Ses images réalisées selon le protocole formel de la photographie documentaire si souvent théorisé (neutralité du point de vue, netteté, frontalité, etc.) en sont la brillante démonstration. Tout en témoignant scrupuleusement de l’état d’abandon de ces friches post-industrielles fantomatiques, de leur dimension sociale révolue, elles multiplient les effets esthétiques particulièrement séduisants et dynamiques : zébrures, taches et autres accidents formels ponctuent subjectivement la surface de l’image revendiquant le geste artistique ; elles font « fiction » et récusent le stéréotype éculé de l’image parfaite.
On est bien ici en présence de « fictions documentaires » telles que j’ai pu les théoriser avec Christian Gattinoni dans l’ouvrage éponyme (Les Fictions documentaires en photographie » publié aux Nouvelles éditions Scala en 20211. Pas de hiatus entre fiction et document, une telle pratique hybride la dépasse désormais dans son esthétique revendiquée de l’imperfection.
Longwy était
Martial Verdier
Novembre 2024
ISBN : 978-2-37228-204-8
Corridor Éléphant Éditions : http://www.corridorelephant.com/
Site internet de Martial Verdier : http://verdier-fr.com/