Après des années d’images tête en bas les graphistes des Rencontres 2021 ont remis l’affiche générale à l’endroit pour accueillir une silhouette de SMITH s’échappant d’un A majuscule et l’ensemble du métier comme le grand public a reconnu le caractère exceptionnel de « Désidération » au Monoprix. Mais cette exposition majeure devait être complétée par celle plus intime mais pas moins significative de la librairie du Palais et sa publication « Desideria Nuncia »
En tant qu’enseignant en art il est extrêmement rare que l’on découvre dès les premiers mois de la première année une personnalité que l’on sent exceptionnelle , avec un univers personnel créatif et humain déjà affirmé. J’ai eu cette chance à l’ENSP d’Arles avec Bogdan Chthulu Smith, dit SMITH, anciennement Dorothée Smith, né en 1985 à Paris, photographe, cinéaste et plasticien français. Avant sa sortie avec un brillant diplôme j’ai pu m’associer à l’exposition de son collectif de l’époque L’évadée, un concept préparatoire à la désidération, pour Identity Lab présentée pendant Voies Off avec une publication de la revue Semaine.
Depuis le projet artistique de SMITH n’a cessé de se développer , de prendre corps au contact de « corps qui comptent » comme l’écrit Judith Butler et de démultiplier son caractère collectif. La plus récente organisation s’affiche comme la cellule Cosmiel qui à l’intersection de la fiction, de l’art, de la philosophie et de la science décline tous les aspects de la « Désideration »
« La désidération n’est pas la recherche d’une origine perdue (nécessairement raturée : nous ne sommes plus des poussières d’étoiles), c’est un autre rapport aux étoiles qu’il nous faut réinventer, avec cette part manquante, inconsolable. La désidération est un état où l’on renoue autrement avec la mélancolie de la perte. »
La précédente exposition de l’espace Monoprix pendant les Rencontres d’Arles avait été marquée par la remarquable proposition à caractère rétrospectif de Mohammed Bourouissa, représentant le courant des fictions documentaires. En accueillant le collectif réuni autour de SMITH c’est une proposition indiciplinaire que l’on peut rattacher à la “Speculative fabulation” selon la formule de Donna Haraway, une autre manière sensible d’imaginer le-s devenir-s de nos sociétés, de nos civilisations, à partir de l’imaginaire se développant entre art et science.
« Désidération » sous titrée (Anamanda Sin) Du désastre au désir vers une autre mythologie du spatial approche une humanité interstellaire capable de cette recherche , « Vous formez peu à peu en vous un cosmos respirant » « vous créatures-créatrices du futur vous sentez le cosmos s’étendre en vous. Il est temps maintenant de rêver. » Cette quête d’une autre histoire, d’un autre destin de l’espèce humaine se joue à l’intersection de l’art, de la performance, de la philosophie, de la science, des narrations spéculatives et de l’architecture.
L’architecture évolue entre installation, laboratoire, temple, clinique, observatoire, plateau radio pou héberger conférences, rituels, œuvres – photographie, vidéo, sculpture, danse, musique, littérature… pour fonder une oeuvre-monde.
La librairie du Palais tenue par Delphine Manjard et Yann Linsart s’est dotée d’un espace d’exposition la galerie du Palais et d’un atelier de risographie, mélange entre l’impression numérique et la sérigraphie. En écho à l’exposition principale Désidération à l’espace Monoprix l’invitation faite à SMITH + Diplomates crée dans la galerie une installation protéiforme à plusieurs mains, un espace de méditation et de communion, qui gravite autour des étoiles. DESIDEREA NUNCIA la Messagère de la désideration « nous emmène au travers des cartes de son esprit pour un voyage sub-lunaire, une rêverie, un rituel de réconciliation avec votre destin cosmique ».
Le livre revendique la triple signature de SMITH, pour les images, Lucien Raphmaj, les textes et Diplomates, pour les architectures et la scénographie
Avec un rappel de casting :
« François Chaignaud est Anamanda Sin
Nadège Piton est Radio Levania
Adrian Gebhart est The Hostess
Victoria Lukas est à jamais Maravilla notre héroïne »
François Chaignaud a développé depuis deux décennies de façon singulière ses talents de showman, il a mené avec folie sa pratique pluri-artistique incluant le chant, il poursuit une oeuvre transhistorique et transgenre qui manifeste un puissant baroque contemporain.Tout en menant son oeuvre singulière il est devenu depuis 2018 à Bourges au Transpalette une des composantes du projet collectif de SMITH.
Dans le livre on retrouve des extraits du film In Somnis (cosmic junkies) et des « conférences, mues, expositions et créations » dans des lieux aussi divers que le Collège de France, l’Académie des Sciences de San Francisco, le Mac Val à Vitry, le Los Angeles Contemporary Exhibitions, le Studio National des Arts du Fresnoy, montrant le caractère aussi bien scientifique qu’artistique de l’ensemble des propositions.
L’ambition d’un tel projet dans sa dimension collective comme dans ses recherches humaines et artistique n’existe qu’au sein de l’opéra contemporain le plus exigeant à l’instar d’Il tempo Del postino d’Hans Ulrich Obrist et Philippe Parreno. Pour ces Rencontres 20021 Désidération dans ce double espace constitue pour le devenir humain le versant optimiste de la recherche pessimiste d’UUmwelt de Pierre Huyghe.