L’exposition de Rémi Boinot à la Fondation du doute a subi l’interruption du confinement elle est prolongée à Blois jusqu’au 23 aout 2020. Elle s’accompagne de deux publications dans la collection Liquid Sky, éditée par On Your Slate, à la croisée de la littérature, du théâtre et de l’ art contemporain. Son intitulé « Quels ailleurs, quel ? » Indique assez clairement son rapport à des civilisations extra européennes qu’il explore depuis les années 1990. Elle s’appuie sur plusieurs séjours dans la tribu de Luecilla, sur l’ île de Lifou en Nouvelle Calédonie.
Né en 1946 Rémi Boinot vit et travaille en région Centre Val de Loire. Cette exposition permet d’apprécier la diversité de ses pratiques, avec de fortes propositions en arts visuels, photo et surtout vidéo, en lien avec des sculptures basées sur la refondation d’objets quotidiens et d’installations plus complexes mais d’une grande force évocatoire.
Des drapeaux français peints à l’acrylique aux couleurs de la Kanaky sont suspendus pour « VEXILLOGOG ». De chaque côté, des cordes aux couleurs des 2 pays sont tendues sur un chevalet de contrebasse, tandis que dans un angle jaune chrome « Jö » une énorme bouée noire en équilibre est traversée par une vidéo montrant l’évolution d’une carte façon sonar, le radar de localisation, traduisant l’enregistrement de « Paroles liées » Des sculptures peintes de grande taille qu’il appelle des Poteaux Capitaux ont vu leur support extrait de cases et réinvestis d’un pouvoir évoquant la nuit et le rêve dans ces habitats primitifs.
Le rapport à la nature est mis en scène selon les habitudes de l’oeuvre dans une frontalité contrariée. On se souvient de cette vidéo très onirique de 2010 « Snowhere » où de grands oiseaux noirs traversaient l’écran sous une averse de neige. Ici deux boucles cadrent l’océan, dans la première un sac poubelle bat au vent tandis que dans la seconde de chaque côté de l’écran surgissent des mains et des bras indigènes qui entament un vif dialogue muet.
La dimension poétique n’est jamais absente comme le révèle cette ancienne vidéo noir et blanc tournée en vhs où l’artiste arpente les bords de Loire en performant un texte poétique au rythme slamé bien avant que cela en soit la mode, la violence des termes illustre le pouvoir de l’Occident, dans des accents façon Artaud. Trois sculptures installées sur de petits tréteaux « L.E.F. » ( liberté, égalité fraternité) mettent en avant les sévères figures féminines de chenets de cheminée, équilibrées par des poids en suspension.Elles font face à un tapis représentant carte du monde « Welcom world » , destiné à se frotter les pieds ,la Nouvelle Calédonie y est localisée par un fil tiré jusqu’à un élément de cocotier posé au sol.. Ces autres figures du pouvoir des Vertus de nos civilisations entrent en dialogue avec une sculpture en trépied faite de brosses qui est surmontée d’une tête primitive elle aussi réalisée dans ce matériau de ménage.
BEforBE est un texte poétique à la croisée du journal intime, du rêve et de la rémanence d’images rétiniennes ou mentales. Elles sont tracées au pinceau japonais sur des feuilles de petit format, elles composent des figures semi abstraites dont la matière noir et blanche résonne de quelques contrepoints rouges.
Son second livre édité par Yann Perol pour On Your Slate illustre sa pratique en un poème incantatoire qui met en scène la nature de ses oeuvres, toutes de l’ordre de l’humain dans ses multiples composantes liées à la nature comme à la culture.
En couverture de IL FAIT trône un portrait de l’artiste suite à sa résidence artistique au Kérala en Inde où il a subi le lent maquillage de plusieurs heures réalisé avec une nervure de feuille de cocotier. Cette expérimentation personnelle fait suite à l’une de ses plus intéressantes vidéo « Mouth+Eyes = ME ».Il a enregistré les bouches et les yeux d’acteurs ainsi grimés avec ces couleurs vives, il les monte avec d’autres éléments de communication d’habitants de Kérala , hommes et femmes jeunes et vieux, , tandis que la bande son est composée des 5 mots les plus importants pour eux afin de signifier la vie.Il parle à ce sujet de « Théâtre immobile » , pour nous tous obligés aujourd’hui de porter des masques ces portraits mixtes qui font jouer le haut et le bas du visage trouvent une étrange signification d’actualité qui nous rappelle l’importance de la parole et du regard.