Anima Mundi
Máté Bartha
The Eriskay Connection
38 euros
ISBN 978-94-93363-08-3
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L’artiste hongrois Máté Bartha photographe et réalisateur documentaire, s’est fait connaitre en France cette année grâce aux Boutographies de Montpellier qui ont exposé dans leur dernière édition sa série « Anima Mundi », publié par l’éditeur hollandais The Eriskay Connection. Un projet ambitieux dans son approche aussi bien photographique que philosophique.
Diplômé de l’Université Moholy-Nagy d’art et de design (MOME) en 2011, avec un master en communication visuelle, spécialité Photographie, Máté Bartha y poursuit des études doctorales. En 2016 à l’Université des arts du théâtre et du cinéma de Budapest, il a été diplômé en réalisation documentaire. Il vit et travaille dans cette ville où il est représenté par la TOBE Gallery. Son premier livre Common Nature, décrivait l’adaptation de l’humain aux espaces urbains dans une approche entre documentaire et mise en scène, qu’il prolonge ici.
En choisissant comme titre Anima Mundi l’artiste se place dans une longue tradition philosophique depuis Platon, dans Le Timée où il développe le concept d’âme du monde, il est repris par les stoïciens, les néoplatoniciens et développé encore à la Renaissance. Cette sensibilité globale opère sur l’appréhension de l’univers, pour en rendre compte l’artiste organise son livre en chapitres marquant une évolution du microcosme au cosmique. Dans cette approche interprétative globale d’une métropole archétypale, il tente une organisation encyclopédique.
Les signes urbains et les codes visuels cryptés pris au niveau du regard sont concomitants des plans plus généraux, y compris aériens. La présence humaine se révèle sur les gestes de tenue et de manipulation des objets de communication, manette ou télécommande. Puis d’autres plans scénarisent des corps contraints par les décors de la ville générique. Les éditeurs présentent la démarche de la série comme cherchant à « comprendre la ville à travers une grammaire post-humaine »
Cette quête essentielle rappelle celle des personnages de la Trilogie new-yorkaise de Paul Auster qui mènent leur enquête métaphysique dans un jeu de pistes y cherchant des patterns, des connexions secrètes, un autre ordre secret. Le photographe en 2014 a d’ailleurs publié un livre d’artiste avec des photos de rue prises à New York. C’est aussi sur le modèle urbain de la métropole constitué en grille qu’il applique son modèle graphique aussi bien scénographique qu’éditorial.
Ce modèle géométrique rigide contredit toute la tradition fondée sur une conception circulaire, dès Le Timée Platon décrit « l’Âme, étendue depuis le milieu jusqu’à la périphérie du ciel qu’elle enveloppait circulairement de l’extérieur, tournant en cercle sur elle-même ». Au 17e siècle la gravure de l’Utriusque cosmi historia de Robert Fludd place l’Anima mundi au centre du diagramme circulaire. Plus récemment, le diptyque de la photo -performance titrée aussi Anima Mundi par Marina Abramović & Ulay (1983) montre deux actions réalisées en plein air avec une perspective plongeante. Ulay est en haut d’un escalier tandis que Marina le regarde d’en bas. Tous deux immobiles se tendent les bras sans pouvoir se rejoindre. La notice de l’œuvre précise : « avec leurs bras, qui forment un cercle ensemble, ils semblent vouloir étreindre l’âme du monde. »
La révision de cette grille de lecture du monde en recherche d’un principe organisateur faite par l’artiste correspond à cette nécessité exprimée par le psychanalyste Carl Gustav Jung dans sa correspondance avec le physicien Wolfgang Pauli : « Le monde n’est en fait pas divisé, car c’est un unus mundus que l’homme unifié a devant lui. Il lui faut cependant opérer une division au sein de ce monde unifié pour pouvoir le connaître ». Pour ce faire il utilise toutes les ressources du multimédia, dans le rôle d’un observateur fictif d’images, sons et vidéos, qui partent en quête de l’anatomie cachée de la métropole. Cela l’oblige à reconsidérer les schémas anthropocentrés, pour les resituer dans une esthétique contemporaine au sein de la nouvelle logique d’un urbanisme critique.
Le site de Máté Bartha