L’activité artistique estivale de Christine Crozat s’illustre par une double exposition « Mémoire des formes » présentée au Domaine de Kerguehennec et au Musée de l’Hospice Saint-Roch d’Issoudun en collaboration avec les deux galeries qui la représentent, Eric Mouchet à Paris et Françoise Besson à Lyon. Un ensemble de 70 oeuvres y est présenté, et un catalogue publié aux édition In Fine complète cet ensemble.
Dans le parc du domaine qui a ré-ouvert écurie , bergerie et château à mi-mai on retrouve avec bonheur la marcheuse du Sentier de charme de Giuseppe Penone , la sculpture ludique aux oursons escaladant un chaudron de fonte de Nicolas Fedorenko ainsi que de nouvelles oeuvres qui y ont été installées. On est passionné notamment par le portrait fait d’acier brut découpé au laserPortail pour une inconnue de Marc Didou (né en 1963).
L’artiste franco-suisse née en 1952, vit et travaille à Paris et à Lyon dont elle est diplômée de l’Ecole des Beaux Arts en 1974. En 1976, elle participe à la fondation de l’atelier collectif de création d’estampes Alma. Elle complète sa création par une activité en hôpital psychiatrique.
Dans la bibliothèque elle expose en vitrine des livres uniques créés pendant le confinement par des découpes en creux dans des carnets vierges. Notre regard est invité à pénétrer comme par effraction dans la profondeur des pages.
Sa recherche se construit lors de ses voyages en Europe et au Japon à partir de relevés préparatoires, de récoltes d’objets ou de livres à partir desquels elle établit de multiples esquisses .
Si chacune de ses oeuvres est sans titre elle opère de façon sérielle, organisant ce qu’elle préfère évoquer comme des suites qui créent un mouvement dans l’orchestration spatiale de l’exposition ou du livre. Cette organisation tient compte également du déplacement corporel du visiteur face aux oeuvres. C’est particulièrement sensible dans l’enfilement des salles de l’ancienne bergerie où chaque série dispose de son espace propre séparé par une affiche titre.
Sa méthode de travail s’établit à partir de papiers calques découpés et superposés laissant apparaître ans leurs profondeurs en transparence des portraits, des formes naturelles et végétales, plantes, arbres et herbiers.
Dans sa série Paysage mental elle procède à partir du souvenir idéalisé ou stylisé de sites aperçus lors de ses voyages ou qui subsistent dans sa mémoire. Du Japon elle a retenu les formes des entrelacs du noeud de ceinture des kimonos les Obis qu’elle réinterprète en les rendant plus abstraits. Sur un fond colorisé elle superpose des papiers d’art Gampi dits « peau d’oie sauvage », particulièrement sensible à l’eau, et des calques qui modifient les formes et les rendent plus fantomatiques.
Deux autres séries récentes se font l’écho de la pandémie dans Portraits du Corona l’artiste crée des espaces stratifiés entre lesquels l’air circule, des aplats plus sombres créent des figures plus inquiétantes. La série Respiration Palpitation s’appuie sur un herbier du XIV ème siècle retrouvé en face similé dans les éditions des Beaux Arts de Paris. Elle développe des analogies formelles entre les alvéoles pulmonaires et les découpes internes des plantes.
Cette oeuvre délicate, sensible à l’évolution naturelle et plastique des formes suppose pour le spectateur une relation intime à l’oeuvre, avec un regard qui doit s’impliquer tout en restant libre de ses propres interprétations.