Miklos Gaál, né en 1974, est un des protagonistes de la nouvelle génération de photographes finlandais, issus de l’université d’art et de design d’Helsinki et réunis désormais sous le nom de « Helsinki School ». Gaál est un photographe du réel qui déclenche une réflexion sur les conventions du regard, la vision de la réalité et sa reproduction picturale. Ses images sont caractérisées par un flou qui n’est provoqué ni par le mouvement de l’objet photographié, ni par celui du photographe. Gaál l’obtient par une manipulation directe de la plaque dans l’appareil au moment la prise de vue. Le résultat est d’autant plus troublant que le point de vue du photographe se pose à une grande distance de la scène et très en hauteur. C’est comme la vision d’une rue à travers une fenêtre située dans les étages et dont la vitre serait par endroits couverte de buée. Cette association est particulièrement séduisante à l’égard des prises de vue que le photographe réalise dans l’environnement urbain. Mais le flou de Gaál intrigue d’avantage, car il soustrait l’image aux règles optiques et brouille la lecture de l’espace pictural. La mise au point se fait sur des détails qui ne se trouvent pas au premier plan, mais sont, contrairement à tout logique, très éloignés. Au premier plan, il n’y a que le flou qui renvoie inexorablement à la surface de l’image. Ce flou réduit le champ de vision et dote les paysages d’un caractère surréel et lunatique. C’est un flou qui rend le monde aliéné et artificiel, notamment dans les chantiers, où les travailleurs ressemblent étrangement à des figurines playmobile. Il peut aussi donner le vertige, très fortement sensible dans les images de piscine (depuis 2003), la seule série, à présent, réalisée à l’intérieur. Finalement, il s’avère être un flou de mouvement : celui, subjectif, du regard, qui reste à la surface ou plonge dans l’image. Grâce à ce flou, Gaál arrive à transformer la réalité et à interroger le regard porté sur le monde et les images.