Mots Slow est une revue annuelle fondée en 2013 par Jérôme Karsenti
et publiée par Hand Art Publisher. Le graphisme, somptueux, est modifié à chaque numéro, en fonction du thème choisi. Cet objet mixte est imprimé sur un format papier 110 gr, recto-verso, 70 cm x 100 cm, plié au format 21 cm x 30 cm et accompagné d’un livret regroupant des textes en français et en anglais. Le poster pouvant après consultation être encadré. Artistes, écrivains et chercheurs en sciences humaines collaborent sur des thèmes singuliers.
Avec humour le premier numéro répondait à cette question d’importance « Qui de nous deux ressemble le plus à l’autre ? Mimétisme ». Le second se préoccupait de « Sérendipidté ». Il s’agissait selon son concepteur « d’explorer la bouture, la traduction, l’accouplement, la collision, le montage, la solitude, l’apparition, le phasme, le semblable, le symptôme et « l’interdit de la représentation ». On y croisait entre autres un artiste d’une belle exigence et trop rare sur la scène française Unglee. Chaque auteur reçoit une carte blanche qui lui donne loisir suivant ses propres recherches d’explorer le thème sans l’illustrer de façon simpliste. La volonté de refus d’une ligne trop stricte se manifestait dans la troisième issue : « Up & down » où l’on retrouvait avec grand plaisir Jean-Luc Verna qui vient de triompher au Mac Val. Chaque numéro sinon est l’occasion de se familiariser avec de nouveaux talents, d’écouter de nouvelles voix de l’écriture et de la recherche en sciences humaines et autant d’artistes plasticiens, dessinateurs et peintres à découvrir.
Pour 2016 le numéro 4 propose aux auteurs de s’interroger sur ce jeu de mot « Missterious » justifié par son usage en typographie : « lettre ajoutée par inattention dans un mot et qui en renforce fortuitement le sens. » Saskia Edens, plasticienne et performeuse suisse, qui travaille sur le transit des énergies voit sa superbe pièce Transmission, un Luminogramme réalisé « avec casque de transmission en cuivre qui donne une indication lumineuse de l’intensité de transmission entre trois générations de femmes » commenté par un extrait du texte de Véronique Yersin , « Les respirations de la vie ». Cette dernière étant directrice des éditions Macula, célèbre pour la publication et la traduction des grands théoriciens de l’histoire de l’art ainsi que des jeunes chercheurs. Les mystères de la transmission générationnelle sont aussi représentés par le poster du photographe et dessinateur chinois Yang Yonglang qui allie la tradition noir et blanc du paysage vertical dans son pays et son évolution urbaine actuelle.
A côté des différents textes l’un des plus brillants est dû encore une fois à Georges Didi-Huberman qui explore les aventures de Miss Chance, telle que Machiavel l’a décrite dans un poème et comme Aby Warburg s’y est ensuite attaché, Mlle Occasion, figure féminine du changement . Elle trouve son incarnation historique récente dans une photographie de Louis Jammes extraite de son dernier livre « Lucie ». Une femme voilée y targue du regard quatre hommes armés à la frontière serbo-hongroise de Tovarnik, une « image pour suspendre toute univocité » comme l’écrit le philosophe et historien d’art « parce que notre existence même, dans son devenir, tient à un tel suspens. »