Mouna Saboni , ses résistances aux désordres du monde

Même si notre pays s’est quelque peu décentralisé pour les institutions culturelles grâce aux Fonds Régionaux et Centres d’Art Contemporains, l’ouverture d’une galerie dans des villes de province reste un pari qu’il faut saluer et encourager. Depuis octobre dernier Annie Gabrielli se dévoue à défendre à Montpellier une photographie de qualité sans exclusive. Pour les Boutographies qui confirment l’ exigence de leur sélection la galeriste accueille une exposition à vocation documentaire malgré son titre lyrique « Je voudrais voir la mer ».

Cet intitulé fait curieusement écho à la belle installation vidéo de Sophie Calle « Voir la mer » à la Chapelle du Méjean pour les Rencontres d’Arles. Ce conditionnel, formulé par un des interlocuteurs de la jeune artiste, Aysar Khaled rencontré au camp de Dheisheh en Palestine, introduit une distance critique en évoquant les conditions de survie dans ces camps :
« Ils ont pris mon nom, mes contours et même mon âge

Et je n’arrive plus à me souvenir de ma couleur et de mes rêves

Et la houle m’a rejeté dans un lieu que l’on appelle camp

Mais pour dire vrai je n’ai jamais vu la mer de toute ma vie. »
Aysar Khaled

Mouna Saboni revendique ses racines franco-marocaines, autant que ses études qui se sont d’abord matérialisées par un master en Management des Organisations Sociales et Solidaires avant le diplôme de l’Ecole Nationale Supérieure de la Photographie obtenu cette année. En lien avec ses premières études elle se rend en Argentine où elle crée une association avec des amis français et argentins pour aider les populations des bidonvilles en y faisant de l’alphabétisation, dans la Province de Buenos Aires. Sa vocation de photographe qui nait à ce moment reste aujourd’hui encore liée à ses actions militantes.

Ses portraits sensibles, comme ses paysages témoignent avec respect et sans aucun sensationnalisme de la vie dans le camp de réfugiés de Dheisheh à Bethléem où elle est hébergée. Elle couvre aussi dans ces mêmes séjours les activités de Médecins du Monde et anime à Hébron un atelier photo pour enfants avec des appareils jetables.

Ce travail dans sa diversité, mêlant portraits de mères de combattants et vues plus allégoriques de situations d’exclusion et de tension, se situe dans une pratique récente de fiction documentaire qui manifeste une vraie réflexion sur le rôle de l’image autant qu’un respect des personnes approchées dans leur individualité, un moyen modeste comme elle l’affirmait dans son mémoire de diplôme de « résister au désordre du monde ».