N,AO, le jardin japonais de Démosthène Agrafiotis

Aujourd’hui nous allons pouvoir partager ce moment exceptionnel où la poésie de Démosthène Agrafiotis dans sa forme bilingue – accompagnée de son reflet figuratif – seront exposés, pliés et agités devant vous, et vont coordonner pour le plus grand plaisir du spectateur et de l’auditeur leur contenu visuel et linguistique, voire musical – une forme bilingue qui dans ce cas et de manière incontestable nie la notion de l’original et de la traduction, du primaire et du secondaire.

Je vais essayer, de manière allégorique, de résumer la poésie de Démosthène Agrafiotis, d’exposer, tout au moins, ma lecture subjective. C’est une poésie statique par le poids des mots, un poids qui n’est pas relativisé par l’enveloppe de la phrase absente, et en même temps c’est une poésie palpitante et ouverte à toutes les interprétations et directions que l’esprit voudrait suivre. Ce sont des mots-pierres, des mots-membres de statues, des mots qui gisent avec le caractère sacré du signe dans des vertes prairies et des déserts grisailleux, des fragments d’un discours qui n’a pas été prononcé, en suspension constante, des mots qui rompent l’homogénéité du paysage dans un ordre caché mais parfaitement organisé, des mots qui tracent les surfaces et érodent la toute-puissance de la logique.

Si je devais essayer de comparer la poésie d’Agrafiotis à quelque chose, je dirais qu’elle suit la technique du jardin japonais, chaos et harmonie, asymétrie et symbolisme sous-jacent, suivant ses règles suivantes : austérité, calme, plasticité et équilibre.

Comment donc traduire un jardin japonais ? Ici la définition de la poésie selon Robert Frost « la poésie est ce qui se perd dans la traduction » – définition qui semble dissuasive à toute tentative de traduction – n’est pas qu’un mot d’esprit stérile, mais au contraire elle constitue un défi pour tout traducteur de Agrafiotis.

Les mots sont choisis pour leur lourdeur ou leur légèreté, pondérés, lissés et placés de manière appropriée pour transmettre non seulement le même sens, mais le même timbre, le même rythme, la même mélodie ou la même détonation. Le doux ναι (oui) ne pouvait pas être traduit en portugais par le dur et hautain sim (oui), ici – un ν, αι peu conventionnel avec une virgule – se transforme en un n,ão (non) fonctionnel – assumant non pas l’équivalence sémantique mais musicale, la transition lyrique d’une langue à l’autre. Tous les chemins sont ouverts pour rencontrer Haroldo de Campos, pour le passage à une autre réalité linguistique, pour la recréation poétique qu’Alipio Carvalho Neto réalise à juste titre – réfutant le dicton bien connu de Dante qui dit : « Tous doivent savoir que ce qui a été harmonieusement lié par l’art poétique ne peut être traduit de la langue dans laquelle il a été composé dans une autre sans perdre toute sa douceur et son harmonie. » Mais ici, n,ai et n,ão diffusent la même douceur et la même harmonie.