« Vous ne savez jamais si c’est une utopie ou non avant de le faire. »
Ainsi commence le magnifique ouvrage « bioacting » (transposition de biographie) sur la vie, les performances et l’éternelle recherche du Graal d’Oleg Kulik.

L’association avec l’animal, le sang – ou du moins sa couleur – et le diabolique (donc le mystique puisque l’un n’existe pas sans l’autre) et toute la violence possible que ce mélange peut provoquer, surtout lorsqu’il est mis en valeur par le photographique, cette association se retrouve systématiquement dans toute son œuvre depuis sa première exposition chez Jacqueline Moussion (1998) jusqu’à l’actuelle exposition chez Rabouan Moussion où d’immenses tirages de qualité Cibachrome vous projettent dans le sauvage, la violence, l’invisible « bête » qui est en vous.

Le programme zoophrénique (Hélène Pétrovski in « Alice as Lolita : stepping back into the looking glace ») qui s’impose chez Kulik tout au long de sa carrière, pourrait se définir comme un programme d’entredéchirement entre l’âme, la bête représentée et celle qui ne sommeille plus chez l’artiste, mais qui s’exprime avec cette violence pathognomonique des pays de l’Est qu’Oleg Kulik semble essayer d’exorciser.

Oleg Kulik, né à Kiev en 1961, après des études d’art et de géologie, fait ses premières expositions à Moscou puis devient très vite international. On pourrait penser à une influence des actionnistes viennois et de Joseph Beuys, mais l’identité du travail est tellement personnelle qu’on ne lui trouve aucun cousin.

L’intelligence de la mise en scène d’Anna Kurnikova en 2002 au Museum d’histoire naturelle de Moscou où elle est photographiée en plein saut dans une cage vitrine, elle-même accolée à une vitrine de dinosaures, nous parle bien de cette violence du combat de la Préhistoire.
En 2003, chez Rabouan Moussion, les photos de l’artiste déguisé en diable dans un paysage zoologique et maculé de tétines que les visiteurs peuvent téter pour se nourrir du « jus du diable » ou du sang du Christ, ou des humeurs diaboliques … Sa série des « Fenêtres » sur des paysages grandioses où se superposent des enfants et des girafes (Biennale de Venise 2001), ses poses grandiloquentes avec des chèvres, des chevaux ou des oies, sa série sur « Alice au pays des merveilles ». Une très jeune fille en superposition avec le corps de l’artiste en chute libre dans les mondes successifs de l’enfant « Alice ». Toutes ces images surréalistes nous parlent de l’inconscient avec une dimension esthétique très personnelle et une force d’évocation exceptionnelle. Ses phases d’identification au meilleur compagnon de l’homme l’accompagnent très bien dans sa démarche politique : le chien représenterait la maltraitance sous toute ses formes : « les mémoires d’un homme chien » de la Russie effrayante des années 90. Chien d’attaque ou chien battu ? Peu importe, la question est ailleurs, dans l’ univers de son propos qui va bien au delà, et sa recherche du Graal ne se passe pas à quatre pattes mais plutôt en « lévitation transcendantale »…
Kulik par ses « Sermons » et ses Exorcismes, revendique la Necessité de Liberté d’esprit et de la pérénité de la dimension humaine et ce avec une violence qui ne peut laisser indifférent.