« On commence par le début, on finit par la fin »

L’exposition de Robert Combas avec ce sous-titre mi-amusant, mi-puéril, bien dans le style de l’enfant terrible de la peinture française contemporaine, vient fermer définitivement ses portes le 15 juillet. Malgré son grand succès : d’après les sources fiables, elle a été vu par plus de quatre-vingt-dix-sept mille visiteurs, le Musée d’art contemporain de Lyon, brillamment dirigé depuis des années par Thierry Raspail, son directeur hyper actif et omniprésent, a décidé – contrairement aux attentes de nombreux « spectateurs – retardateurs » – de ne pas prolonger cette exposition. On aimerait bien dire : Quel dommage ! Mais en même temps la présentation ouverte pratiquement pendant cinq mois a laissé le temps d’y aller pour tous les fans de ce peintre si emblématique.

La peinture de Robert Combas malgré ses apparences, n’est pas si facilement accessible. Elle peut se montrer dérangeante comme son auteur peut l’être, elle peut paraître généreuse, voir trop étouffante, suivant également les comportements de son géniteur, mais c’est une oeuvre tout d’abord très riche et codée. Comme il l’a dit clairement Richard Leydier (commissaire et ami de longue date du peintre) le jour d’ouverture de cette présentation : le but principal fut de démontrer la complexité de ce travail trop souvent obligé de confronter les clichés simplistes.

Le peintre lui-même on le connaît depuis des années. Il est réputé imprévisible et entêtu. On le sait hypersensible et super productif. Puis, il est souvent qualifié à tort comme trop répétitif, peignant depuis des années la suite du même tableau. L’exposition à Lyon fut une parfaite occasion de changer ces opinions. Robert Combas n’est pas si répétitif qu’on le croît, ou plutôt on souhaite le faire croire. Ses créations, disposées sur les trois étages du musée lyonnais, pouvaient parfaitement aider à apprivoiser son imaginaire.
Le premier à le découvrir fut Bernard Ceyson. Robert Combas avait 23 ans et sortait à peine de l’Ecole des Beaux Arts de Montpellier. Le directeur du Musée d`Art et d’Industrie de Saint Etienne à l’époque, n’hésite pas une seconde : ce jeune rebelle a du talent et il faut le révéler au public. Par conséquent, jeune peintre participe à l’exposition collective « Après le classicisme » qui se tient à la fin novembre 1980 dans l’établissement, dont Ceyson est responsable. A cette époque Combas est proche de Hervé di Rosa, François Boisrond et Remi Blanchard. Ils essaient ensemble d’attirer l’attention de la critique. Tâche difficile. Bernard Lamarche-Vadel rencontré a l’occasion, avoue d’avoir vu déjà les toiles de Combas, mais il porte un jugement dure : « C’est trop tard, la trans-avangarde avait déjà réalisé ce genre d`œuvres »… La rencontre avec Ben Vautier parait davantage bénéfique pour le groupe des copains. Il tombe sous le charme de leur jeunesse, ainsi que l’ingéniosité et la vitalité de leur peinture. Très vite, il les baptise la « Figuration Libre ».

En juin l’année dernière on parlait de trente ans d’existence de cet appellation. Le mouvement s’inscrit dans le contexte international plus large : en 1978 aux Etats-Unis a débuté la « Bad Painting » avec Julian Schnabel, Keith Haring et Jean-Michele Basquiat, en 1979 en Italie Achille Bonito-Oliva a défini la notion de « Trans-avanguardia » et l’année suivante en Allemagne Wolfgang Becker avait attribué le nom « Die Neuen Wilden » (en francais : « Nouveaux Fauves ») aux œuvres d`Anselm Kiefer, Georg Baselitz, Markus Lupertz et A. R. Penck.
La chance sourit au jeune Combas. Quand en janvier 1981, la sélection des artistes français les plus représentatifs de son temps est envoyée à New York, il est parmi eux. Très vite, Léo Castelli – Larry Gagosian à l’époque – va lui organiser une exposition personnelle.

Mais, le peintre est vraiment rebelle, il ne vient pas au vernissage, puis il n’arrive pas à se plier aux exigences du marchand. De l’autre côté, le galeriste n’est plus tout à fait jeune. Par conséquent, l’aventure n’a pas duré longtemps. Robert Combas, cependant, reste pour toujours celui qui avait 26 ans au moment d’exposer chez le plus grand marchand new-yorkais. Pourtant, sans en profiter réellement …

Le 24 mars 1981 paraît dans la « Libération » le premier article consacré au jeune peintre. Le titre est révélateur de sa situation à l’époque : « Trop pauvre pour se payer une toile ». Sa situation matérielle est certainement délicate, mais il trouve également qu’on peut peindre sur n’importe quel support. Cela renoue probablement avec son enfance modeste, passé à Sète, le bastion du « Midi rouge », dont Combas est l’enfant adoptif. Puis, difficile de savoir vraiment tout tant sur sa vie, tant sur son œuvre. Il change souvent des directions et brouille des pistes.

Trente après la parution du premier article en France parlant de son œuvre, donc en 2011, peintre fut classifié par Art Price comme artiste français le plus côté sur le marché d’art international. Un passage d’un extrême vers l’autre ? Pas si évident pour l’artiste lui-même, qui avoue de ne pas trop y croire. Pourtant, les statistiques le disent clairement : la toile « Hétacombe » de Robert Combas, datant de 1992, fut adjugée 90 mille euros durant une vente en enchères l’année dernière. Puis, ses tableaux sont réellement convoités par des collectionneurs. Si, par rapport aux artistes – stars, il ne monte pas très haut au niveau de prix, il suffit un coup d’œil sur le rapport produit sous la direction de Thierry Ehrmann pour se rendre compte, que les tableaux de Robert Combas sont nombreux à trouver ses acquéreurs.

Pourquoi alors artiste a tant de des doutes quant a son succès artistique et financier ? La réponse s’impose facilement. Marqué par quelques mauvais souvenirs avec des marchands d’art, il préfère prendre du recul et ne pas tomber dans une sorte d’autosatisfaction. Par ailleurs, a-t-il déjà vraiment été satisfait de sa peinture et de lui-même ? En observant sa création impliquant des changements en permanence on a beaucoup du mal a y croire. Par ailleurs, Richard Leydier, personne qui suit régulièrement l’évolution de l’artiste, l’a qualifié comme « recycleur d’images ». Ainsi, l’ancien rédacteur en chef de Art Press, a exprimé probablement d’une façon très juste la sensibilité de Combas qui le pousse constamment a peindre, repeindre, coller, bricoler, mélanger les genres… au point de vouloir quelques fois abandonner complètement la peinture en faveur de la musique, un autre amour de sa jeunesse.

L’exposition récemment terminée l’a signalé déjà par son titre « Greatest Hits ». Robert Combas n’est pas uniquement un peintre reconnu, il est également un musicien acharné, essayant a plusieurs reprises monter les groupes de rock. Puis, il est un grand collectionneur de disques vinyles. Le troisième étage de son exposition fut entièrement consacré à ces activités, nettement moins connus que ses toiles. Rien d’étonnant que l’artiste avait voulu partager ses préoccupations avec le public. Le musée lyonnais avait répondu par l’installation de son atelier provisoire pendant deux mois. Il l’a accepté, chaque jour continuant à peindre derrière un vitrage transparent. Rien ne pouvait échapper aux regards curieux. Puis, il en a profité pour jouer à la guitare, faire ses compositions musicales. Au total, durant son exposition il a donné quatre concerts devant le public intéressé principalement par sa peinture, mais suivant sa volonté de découvrir son intérêt pour la musique. Durant l’exposition furent montrées au total 600 oeuvres. Le catalogue qui l’avait accompagné, co-édité par Somogy et le Musée d’art contemporain de Lyon est très impressionnant par son contenu, aussi riche et chargé que l’exposition elle-même. Peut-être un peu trop…