Le premier catalogue monographique du jeune artiste stéphanois Jean-Baptiste Sauvage vient d’être publié par le Centre d’art Nei Licht de Dudelange et les éditions Jean-Pierre Huguet suite à la résidence d’artiste et à l’exposition qui s’en est suivie à la fin de l’année dernière. Contrairement à ce que le titre « On Forme » pourrait laisser croire le travail s’attache moins à des préoccupations formelles qu’à de nouvelles transformations politiques de l’espace urbain.
Première et quatrième de couverture, en noir et blanc et en couleurs, renvoient au catalogue général des interventions plus ou moins minimales de l’artiste. La publication s’ouvre sur une série d’œuvres que l’on peut supposer au premier regard seulement photographiques accompagnées d’un légendage lui aussi minimal. Si la formule « sans titre » y apparaît le plus souvent avant la date et le lieu, plusieurs ouvres sont titrées « un pour cent culturel » et « ligne directrice » avec des datations et des localisations précises. Beaucoup de ces œuvres ont été produites en France et en Europe et quelques unes au Mexique, à Monterey. Elles s’étagent sur ces neuf dernières années.
Chaque légende se termine par le renvoi à la fin de la publication, alors que la partie centrale est occupée par les textes de François Pierre-Jean, reprenant le titre « On Forme » curieusement traduit dans la version anglaise par un « Impersonal Shaping » et de Philippe Roux sur « La tragédie du Lisse ».
Il y a très peu d’horizon, d’espace ouvert dans les œuvres.On sait depuis l’action de Gordon Matta Clark rachetant les espaces restreints non attribués de la ville que toute zone urbaine est maintenant sous contrôle. Jean Baptiste Sauvage est l’héritier visuel de cette pratique là, à une époque où des actions plus massives sont de moins en moins faciles.
De façon plus modeste les interventions de l’artiste ont pour but de révéler l’inconscient idéologique des lieux et des constructions. Ainsi quand il étend du linge à sécher sur les fenêtres murées d’un immeuble promis à la démolition ou réalise un caisson aveugle en guise
D’abri pour sans domicile fixe, il met à jour ce que cette société ne veut surtout pas que l’on appréhende.
Il montre l’espace de la ville toujours trop restreint, trop enfermé, trop contraint. Il n’y a pas vraiment d’échappatoire quand la marelle dessinée en haut d’un immeuble fait que le ciel même métaphoriquement est inatteignable, si ce n’est au risque mortel d’un saut dans le vide.
Le prétendu « un pour cent culturel » ne met en valeur que d’autres amas sculpturaux de caddies et de déchets de récupération pour abri de fortune. Le pont mobile relevé laisse apparaître une cible pour snipers ou troupes d’occupations toujours embusqués dans les coulisses d’une guerre potentielle.Quand la ville gagne partout la nature n’est plus qu’une affiche pour agence de voyages luxembourgeoise ou le fournisseur de l ‘énergie propre pour une chaise électrique écologique.
Jean-Baptiste Sauvage fait partie de cette nouvelle génération d’artistes qui ont su tirer toutes les leçons des écoles d’art où ils ont été formés, en l’occurrence Saint Etienne, pour établir des pratiques d’un nouveau design minimaliste au service d’une approche critique et fictionnelle du monde dans ses travers idéologiques.