Opiums ? et le Fonds de l’Abbaye d’Auberive

Le Fonds de l’Abbaye d’Auberive située en Haute Marne dans une abbaye rénovée par le collectionneur Jean-Claude Volot est “centré sur l’humain, sa complexité, son animalité, ses joies et ses vicissitudes”. L’exposition Opiums ? qui se termine en Octobre traite du besoin de croire sous toutes ses formes en prélevant dans le fonds de l’Abbaye des oeuvres en lien avec le religieux. “L’homme a horreur du vide. Lorsqu’il chasse une religion, une philosophie ou une croyance, c’est pour la remplacer par une autre… Croire, n’est ce pas l’opium définitif ? ” Art d’Afrique et d’Asie, Art religieux européen, Art de propagande maoïste et Art contemporain se succèdent dans un disposititif conçu par Alexia Volot, commissaire et fille du collectionneur.

La diversité des objets de culte qui accompagnent des croyances et le recours omniprésent à l’imagerie caractérisent les arts religieux de toute obédience. Même le culte de la personnalité maoïste et les figurines des héros de la Révolution participant d’une foi populaire qui était de nature religieuse. L’exposition suit un parcours chronologique qui part des arts d’Afrique, avec la dimension syncrétique des crucifix du culte vaudou. La crucifixion excède sa culture d’origine, ce que démontre poétiquement le vis-à-vis d’un Christ africain avec un grand Christ médieval. La croix chrétienne conserve son impact hors de toute croyance religieuse comme pour le sculpteur Strubel, qui fut l’ami de Francis Bacon, toujours fasciné par la violence d’une représentation qui a trouvé des amateurs chez de nombreux d’artistes : “ à la chose la plus hideuse mêlez une idée religieuse, elle deviendra sainte et pure. Attachez Dieu au gibet, vous avez la croix” (Victor Hugo). Et à la suite du Crucifié, l’imagerie des martyres, dont celui de saint Sébastien, a pu être interprétée en jouant de l’érotisme sadien, comme pour J. P. Witkin. Un dolorisme de la chair qui tend vers un nihilisme a trouvé écho chez des artistes qui ne sont pas chrétiens ni croyants.

Par contre, le thème de la maternité représente de manière universelle la douceur du réconfort avec des Vierges à l’enfant romanes ou africaines, tandis que la détresse de la Piétà résume l’angoisse du deuil. La douleur de la mère du Christ donne lieu pour Stani Nitkowski à un cri bouleversant. Dans l’exposition, le chritianisme, forme culturelle dominante en Occident, occupe une place centrale mais le thème de la croyance religieuse est surtout le moyen de convoquer des artistes et des oeuvres phares de cette collection : Jean Rustin mais aussi Dado, Maryan…

Opiums part d’une interrogation qui reprend la formule marxiste célèbre : “la religion, c’est l’opium du peuple”. Mais la religion a aussi été le motif de créations artistiques splendides. Ce parcours foisonnant interroge l’art et sa fonction ainsi que la fonction du religieux : n’est-ce pas un “opium” qui nous apaise ? Ou quelque chse de plus spirituel ? Comment des croyances le plus souvent passées ont-elles engendré des cultes où l’art est intervenu avec tant d’intensité ? Dans un lieu autrefois dédié au religieux et aujourd’hui consacré aux arts, l’abbaye d’Auberive, ces figurations religieuses sont bienvenues. Le religieux quand il est transcendé par l’art est emblématique du lieu comme du fonds qu’il abrite. Et la salle finale, consacrée au culte de Mao et de la Révolution chinoise, montre bien que, d’une manière ou d’une autre, les hommes ne peuvent pas échapper à une forme ou à une autre de religion. De même qu’ils ont toujours besoin de l’art…