Rien de tel qu’une foire à taille humaine pour faire un point sur les pratiques différentes que l’on a connu sous les intitulés d’art brut, à la suite de Dubuffet, que l’on a envisagé aussi comme les singuliers de l’art, et dans une acceptation plus récente et encore plus large d’outsiders. l’Atelier Richelieu accueillait du 15 au 20 octobre la troisième édition parisienne de l’Art Outsider Fair succursale française de la foire new yorkaise. La vitalité de ces pratiques est révélée par leur caractère international. La petite quarantaine de galeries était issue de toute l’Europe, plusieurs partenaires américains étaient présents mais aussi des exposants venus du Maroc, du japon, de l’Inde et des Emirats Arabes Unis.
L’un des deux solo shows provenait de ce dernier pays, il s’agissait des oeuvres peintes , sculptés et mixed media de Mohamed Ahmed Ibrahim de la galerie Laurie Shabibi. L’artiste l’un des premiers de cette nouvelle génération a fait partie du collectif The Flying House actif dès lesannées 1980. La seconde exposition monographique témoigne de l’ouverture du concept et révèle l’importance du statut social du créateur. Les tirages noir et blanc de Vivian Mayer réalisés au moyen format trouvent tout à fait leur place au sein de l’esthétique de la photo américaine de la rue. L’aventure de cette gouvernante d’enfants qui avait pendant ses loisirs une pratique compulsionnelle de la prise de vue aurait pu rester dans l’oubli sans une suite de circonstances racontées par Gaelle Josse dans Une femme à contre jour (http://www.lacritique.org/article-une-femme-en-contre-jour-un-livre-de-gaelle-josse ?var_recherche=vivan%20maier.) Les Douches la galerie défend ce travail en France depuis des années.
La foire se caractérise par la diversité, où l’on trouve par exemple les petites statuettes du canadien Jordan Mac Lachlan de la Big Town Gallery de Rochester, son ange déchu fait de céramique et ruban s’intitule Upside Down Cat’s Craddle en référence au roman de Kurt Vonnegut évoquant la stupidité humaine . On y trouve aussi bien des artistes plus obsessionnels comme le japonais Yoshiyasu Hirano et ses écritures en langue imaginaire, les photographies expérimentales du tchèque Miroslav Tichy en quête d’un érotisme du féminin ou les portraits à l’acrylique de la suissesse Titine K-Leu Hommages aux icônes du tatouage de 2003. Certains artistes poursuivent la même quête esthétique qui fusionne plusieurs techniques :Lubos Plny utilise l’encre de Chine retravaillée à l’acrylique pour ses oeuvres souvent agrémentées de matières organiques (sang, poils, cheveux morceaux de peau) , ses coupes anatomiques envisagées sur plusieurs plans sont rehaussées de traits colorés.
D’autres artistes tel Hervé Bohnert incarnent leur vision dans différentes techniques. C’est le cas d’Hervé Bohnert né en 1967 et représenté par la galerie alsacienne J.P. Ritsch-Fisch. La foire accueillait une longue gouache sur impression photo reprenant un immense cliché de la photo de groupe d’une collectivité dont chaque visage est caviardé de gouache noire. Son site http://hervebohnert.com montre la totalité de ses pratiques, sculptures, photographie ou dessin. La même vision sombre des rapports entre la vie et la mort s’y trouve illustrée.
La foire a été complétée par la projection de deux films sur La collection de l’art brut réalisés par Philippe Lespinasse. Une autre initiative à signaler est la remise du prix Art Absolument pour une artiste vivante de l’art brut. La présidente de ce prix est la collectionneuse et curatrice autrichienne Hannah Rieger qui vient cette année d’organiser au Kunstforum de Vienne l’exposition Flying High Female Art Brut. Le jury a récompensé deux artistes Susan Te Kahurangi King (Andrew Edlin Gallery) et Momoko Nakagawa (Yukiko Koide Presents).