Parmi les revues d’art abordant la question érotique on connaissait et on aimait déjà les françaises : Féros, Maniac, Edwarda, Irène, L’Imparfaite. Et voici la naissance de Pan & The Dream Magazine, publication anglo-saxonne traçant une ligne bien à elle, tant sur le contenu que sur la forme.
Pan & The Dream Magazine est d’abord un bel objet, au très grand format (37×28 cm), avec une mise en page aérée, des typographies délicates, un papier mat un peu rugueux, une étiquette cousue à même la couverture. Cette élégance du livre dit d’emblée l’accointance entre l’ouvrage et l’univers de la mode. Parmi les textes on trouve notamment un entretien avec le photographe de mode Nick Night ou encore des aquarelles de Kelly Beeman ou Gill Button qui travaillent régulièrement dans cette sphère. C’est sans doute ce que l’on attend d’une revue, qu’elle soit située, qu’elle se distingue des autres par une ligne claire, quelque chose d’identifiable qui nourrira par la suite la création des autres.
Pour son premier numéro Pan & The Dream Magazine se consacre au nu et il est intéressant de noter qu’un texte de Katrine Pedersen évoquant la censure à l’ère de la post-vérité ouvre la lecture. Il y est question des réseaux sociaux sur lesquels chacun s’informe, de l’intérêt que l’on porte à ce qui se passe par écrans interposés plutôt que dans nos expériences propres, à la société de surveillance qui s’enracine dans les nouvelles technologies. Interroger le nu, dans ce cadre de réflexions là, revient à faire une sorte d’état des lieux de ce que ce topos de la création dit de notre société mondialisée.
Pan & The Dream Magazine laisse avant tout place à l’image, qu’elle soit chic, vulgaire, excitante, mélancolique, bricolée ou virtuose, alors on imagine aisément le temps qu’il a fallu à l’équipe pour arpenter les galeries, les revues, les instagrams du monde globalisé. Il est question d’artistes ayant un lien avec la mode, mais pas seulement. Les corps dessinés, photographiés, peints ne sont pas seulement un idéal à diffuser mais plutôt un terrain d’explorations multiples. Il y a les corps amoureux de Petra Börner, turgescents et velus au centre, les corps alanguis dans le repos du bord de mer de Stephen DiRado, les corps lourds et cérusés de Nadav Kander, les corps roses de Nickie Zimmov, Brad Bealmer et Colette Saint Yves.
Les techniques aussi sont hétérogènes, allant des photographies peintes de Shae De Tar et Michiel Keuper, aux collages cinématographiques d’Isabel Reitmeyer et Katrien De Blauwer, en passant par le tracé noir et fragile de Mana Benett. Parfois l’inspiration liée à la mode se fait subversive, avec notamment la série d’images de Stephen Lewis, où des photographies de femmes nues, sans visages, probablement issues de magazines érotiques des années 70, sont maculées de fluides spermatiques d’origine cosmétiques. Eclaboussures de fond de teint sur Vénus à la fourrure, la série s’intitule ironiquement All Nude Revue, rappelant le vocabulaire des magazines de mode pour évoquer les teintes chair en maquillage. Tout en douceur, l’idée est là, celle d’un corps fétiche, souvent féminin, parfois trans, montré partout dans sa simplicité comme dans son désir, comme une surface que chacun peut s’approprier, définir, transformer.