Un essai très personnel entre science-fiction et art contemporain, un livre recommandé entre autres par Ultralab et commenté ici par Janique Laudouar sur numédia-édu
Quand la science-fiction dépasse la réalité Ne plus s’épuiser à se conformer à des modèles, aux diktats qui défilent dans une folle accélération, mais écrire sa vie, sa « tranche de vie » comme dirait Flaubert comme on écrit une fiction. Inventer son histoire, trouver son décor, sa « niche . Une vie nourrie à la fois au principe de réalité mais irriguée par tous les fantasmes et les utopies de l’époque. Ariel Kyrou cite des exemples dans la science-fiction, qu’il revisite avec à propos, et aussi dans l’art, la culture, et la cyberculture. « Inouïes les histoires délirantes d’un Philippe K.Dick , les anticipations sadiques d’un J.G Ballardou les fulgurances spéculatives d’un William Gibson résonnent en moi comme les inconscientes métaphores des dégâts des temps présents »(…). De ces auteurs cultes qu’il connaît par coeur, il démontre le pouvoir visionnaire. Il rappelle que « dans 1984 le climat de terreur repose d’abord sur une guerre sans la moindre cause identifiable ente les trois super-Etats. » et il souligne « la puissance de leurs visions aux frontières de la paranoïa » Paranofictions. La paranoïa est peut-être un mal nécessaire, versant aigu de la vigilance Quant à la fiction : « Leurs fictions sont mes antidotes aux poisons des fictions dominantes. » ?
L’art et la vérité La science-fiction n’est pas la seule matière de cet essai truffé de citations et de références. Une réflexion sur l’art le traverse, de Dada à Eduardo Kac, l’art comme incarnation d’une vérité « Je ne crois pas en la Verité avec un grand V. Mais je peux accepter l’horizon d’une vérité sans majuscule » et c’est dans l’art qu’on peut la trouver « cette vérité là a besoin de supports, d’oeuvres que je perçois comme autant d’étoiles de mon ciel, à interprêter et à aimer pour échapper au contôle des cerveaux. » Le chapitre qui part de l’emprise des marques pour arriver aux artistes activistes tels que les Yes Men ne propose pas de version manichéenne, il n’y pas les méchantes marques et les bons esprits qui les dénoncent. Citant un entretien sur le site rebelart,Ariel Kyrou donne la parole à l’un des imposteurs 0100101110101101.org pour narrer l’épisode célèbre de l’imposture de laNikeplatz, quand les Viennois crurent un temps que la Karlsplatz serait rebaptisée du nom de la marque Nike. « Les marques vivent en nous », il n’est plus temps de pour y échapper de se retirer au Larzac comme dans les années 70, mais de les détourner à notre usage : art, fiction personnelle, utopie citoyenne, sachons surfer sur ces nouveaux paysages et en réinventer les formes au gré de nos inspirations. « Bref retrouver Dada et sa science du hasard ». ?
Le seul salut : la fiction Cet essai est écrit sur le ton du Je, car Ariel Kyrou « ne croit pas à la critique sans implication ». Vigilance, détournement, fiction personnelle sont des mots qui sauvent, face à la « fiction dominante » dont pourrait bien faire partie notre univers informationnel et notre blogosphère chérie. En situant l’étendue du pouvoir de domination jusque dans les esprits de ceux-là même qui s’imaginent libérés parce qu’il ont le Net pour territoire, Ariel Kyrou est peut-être pessimiste En décodant à l’excès les promesses de l’immatériel et de la « nouvelle religion de l’Information et des flux numériques » et de « l’économie de la connaissance… » il va peut-être trop loin dans le soupçon…et la parano…
En conclusion : à qui se fier sinon à son intuition personnelle ? Ne pas tenter de percer les secrets du wudans des entreprises imposantes ou mégalomaniaques. Le wu, issu d’un roman de Philippe K.Dick, le Maître du Haut-Château, est dans une simple broche de céramique dans les mains d’un jeune taoïste japonais, le wupeut se trouver dans n’importe quel objet banal, et surtout, surtout « le wu se trouve à l’intérieur de l’observateur ».