Paris sixties, un livre de photographies de Bernard Plossu

Fortement influencé dans sa jeunesse par La Nouvelle Vague et le cinéma en général, Bernard Plossu a tiré des photogrammes des films Super 8 réalisés dans les années 1960 à Paris. Ils sont réunis dans le petit livre Paris sixties.

Ce n’est pas la première fois que Bernard Plossu publie ses photogrammes chez Yellow Now, éditeur belge spécialisé dans le cinéma mais ouvert à la photographie (on lui doit aussi le remarquable Coupe sombre de Louise Narbo, 2012) avec la collection « Côté photo » qui lui est dédiée. Il a en effet déjà publié chez lui, entre autres, Train de lumière (2000, voyage en train de Lyon à La Ciotat, sur les traces de celui entrepris par les frères Lumière en 1895) et 8 / Super 8 (2012, déjà des photogrammes des années 1960, livre dont on peut retrouver ma chronique sur www.lacritique.org ). A noter aussi que chez le même éditeur, Plossu, comme à son habitude prolifique, a publié le plus volumineux et incontournable Plossu Cinéma (2010), qui ne contient en revanche pas que des photogrammes, mais aussi des photographies prises avec son Nikkormat et des appareils-jouets.

Dans les années 1960, en pleine Nouvelle Vague, fréquentant assidument la cinémathèque française et autres salles de projection, le jeune homme rêve donc de devenir cinéaste. « De ces films ont été tirés des photogrammes ; arrêts sur image comme autant d’instantanés parvenant jusqu’à nous avec leurs ailes de papillon pour nous souffler doucement au visage ce que fut l’air de ce temps. » écrit joliment l’auteur de la préface, Olivier Renault. Il évoque ainsi remarquablement la fragilité d’images insouciantes, comme cette scène de danse reproduite sur la couverture du livre.

Le regard et le corps sans cesse aux aguets, le jeune Plossu arpente pendant cette décennie magique, rythmée par le rock, les rues de la Capitale. Je ne crois pas que ce soit l’oeil qui prenne la photo. Je crois que c’est le corps qui sait bouger. » a confié le photographe à propos de ses photographies. Il en est de même pour ses films.

La caméra 8 rmm relève, au même titre que les boîtiers Instamatics et Agfamatics, de la pratique amateure. Le recourt à de tels formats relève d’une volonté de désacraliser le geste artistique de l’auteur, d’enregistrer, par opposition au fameux « Instant décisif » d’Henri Cartier-Bresson, des instants non décisifs. Comme un enfant jouerait à prendre le contrepied d’un diktat artistique trop pesant, Plossu s’amuse à l’évidence, et ce plaisir est contagieux.
Images arrêtées d’une décennie insouciante, les photogrammes de Plossu déroulent une frise colorée, poétique et muette d’une grande beauté que le lecteur ne se lassera pas de feuilleter.