La Collection de CERES FRANCO a donné lieu en 2015 à une fondation, située à proximité d’un village qui ravira les bibliophiles : Montolieu, le village du livre, dans l’Aude. Cette saison, l’exposition de 2018 fait la part belle à des singuliers de l’art et elle permet de découvrir les étranges constructions de Jean-Marie Martin, que la quête du Saint Graal passionne. Cest pourquoi l’exposition s’intitule La Quête du Graal.

L’artiste s’est inspiré de ce folklore médiéval celte bien connu pour construire, autour de cette mythologie devenue légendaire, différents éléments de décor – un siège et des tables cloutés de mosaïques, des tentures et drapeaux – le tout aux couleurs or et turquoise, et qui semble attendre symboliquement les fantômes des personnages de cette geste fabuleuse ; ou, pourquoi pas, une représentation théâtrale de leur histoire. Les peintures de cet artiste sont également exposées dans ce bâtiment reconverti (une ancienne cave coopérative à vin, et elles sont nombreuses dans cette région vinicole) qui offre, après des travaux bien conçus, un lieu d’exposition spatieux et lumineux, et qui conserve le nom de l’endroit : la Coopérative. Mais les choix sont opérés au sein de l’important fonds de la collection (de plus de 1500 œuvres) et de nombreuses œuvres viennent efficacement cohabiter avec celles de cet artiste. On voit alors comment la mise place de telles œuvres propose à sa manière une coopérative d’un nouveau genre. On peut y remarquer en particulier les toiles de Lou Laurin-Lam, qui fut la compagne de Wilfredo Lam, dont une satire féroce intitulée : “Les bureaucrates mangent la révolution”.

Mythologies

Mythologie légendaire et collective chez Martin (qui rend aussi hommage à l’Odyssée avec sa grande toile Ulysse et les Sirènes) ou mythologies individuelles se succèdent. Quand on passe d’un artiste à l’autre, ou plutôt d’une œuvre à l’autre, l’absence de cartels peut peut-être dérouter, même si le public peut avoir en main un document qui lui permet d’identifier les auteurs. C’est qu’il est avant tout permis de rêver, de s’immerger sans complexe dans le flux des images et de se laisser dériver selon une association de thèmes qui ont été choisis par la commissaire, Dominique Polad-Hardouin, et qui s’enchaînent ainsi : du jeu au désir, du rêve au songe, du voyage aux épreuves…. Des relations se tissent, mais elles font d’abord appel à l’imaginaire des regardeurs, ainsi qu’à ses goûts.

Aussi la critique n’est –elle pas vraiment de mise devant des travaux si singuliers et si divers qu’ils ouvrent aux préférences un champ de possibles. J’ai été personnellement séduite par des petites formes, parfois proches de l’art populaire ou de l’art brut, plus que par la grandiloquence de l’œuvre de Jean-Marie Martin, qui peut cependant très bien séduire d’autres visiteurs.
Mais l’ensemble inspirera à tous de l’intérêt : la mise en relation habile de tableaux de différents formats permet à l’oeil de s’accrocher aux détails comme aux démarches plastiques d’ensemble et de trouver ici ou là quelque chose qui lui ressemble et qui lui parle. La plupart du temps, la couleur est présente et elle s’impose avec vigueur, mais quelques dessins ou gouaches sont sombres.

Une dynamique en région

Cette installation très récente fait l’objet d’un intérêt des acteurs culturels locaux, et ce d’autant plus que la galerie de Cérès Franco, d’origine brésilienne, était parisienne. Sa galerie L’Œil-de-bœuf, rue Quincampoix à Paris, était un endroit extrêmement vivant où se retrouvait toute une bohème en marge des canons dominants de l’art abstrait ou conceptuel, explique Jean-Hubert Martin, qui avait organisé l’exposition l’année précédente. Et surtout, plus qu’une galeriste, c’était une collectionneuse : « Ma mère était collectionneuse avant d’être galeriste. Elle cachait certaines œuvres pour ne pas avoir à les vendre » insiste sa fille Dominique Polad-Hardouin, qui était elle-même galeriste avant de s’arrêter récemment pour se consacrer au rayonnement de cette collection. Art naïf, art brut, ex-votos, peintures populaires côtoient des œuvres plus reconnues ou plus maîtrisées. C’est ce mélange qui fait précisément tout le charme de cette collection, et donc de l’exposition, où l’inattendu et le divers, y compris exotique, séduiront les visiteurs.

Le pari de faire fonctionner un tel lieu dans une zone rurale a le soutien de la Drac et des collectivités locales qui tiennent particulièrement à irriguer les territoires situés en dehors des villes avec de nouvelles propositions culturelles. Une collaboration avec des élèves d’un lycée de Carcassonne a été mise en place pour leur montrer comment construire une exposition, d’autres partenariats sont possibles encore. Ce sera en tout cas, au printemps et durant l’été, une étape de choix dans un parcours touristique dans le Sud.