La photographie de danse est comme l’aurait écrit Bernard Lamarche-Vadel une pratique ustensilaire. Elle négocie avec les paramètres physiques imposés par le chorégraphe et son éclairagiste. Elle est liée plus à la communication des pièces dansées qu’à leur réelle mémoire. Pourtant en ouvrant « Photographier la danse » aux Nouvelles Editions Scala on se trouve impliqué dans un rapport d’une haute sensualité à la création chorégraphique d’aujourd’hui.
Accompagné de textes critiques de Rosita Boisseau, chroniqueuse du Monde et de Télérama c’est à une véritable analyse du métier que nous sommes conviés. L’ouvrage se construit sur trois premières parties qui développent ces composantes pratiques que sont le temps d’Avant la représentation, la recherche d’un Instant T et d’une presque perfection.
Dans un texte récemment diffusé par le Musée de la Danse de Boris Charmatz le philosophe Gilles Almavi critique ces deux dernières occurrences dans son étude paradoxalement titrée « la photographie n’existe pas » :
« Une photographie de danse, pendant un spectacle de danse, c’est l’appareil qui se déclenche pile au bon moment. D’ailleurs, une pièce de danse qui amène à se dire « là, le photographe va prendre une photo », c’est mauvais signe. C’est le signe d’une photo réussie. Clic. C’est le signe d’une danse ratée. Une danse ratée, c’est une danse qui fait comme si elle allait être prise en photo. »
Si les photographies de Laurent Philippe échappent à ce défaut c’est en travaillant chaque spectacle dans sa durée, prises de vues successives lors des répétitions, filages, générales et plusieurs présentations publiques. Dans ces temps multiples il cherche une ligne visuelle claire, qui peut se fonder aussi comme le rappellent deux autres chapitres sur l’opposition de plans généraux et de Détails. Ces images se donnent aussi bien les enjeux d’une netteté que les divers Flous :
« Si le flou défait l’image de la danse, il en garde néanmoins la fulgurance du jet. »
Si Laurent Philippe peut produire ces photos signatures c’est que sachant opérer entre le vif et l’ inerte, il trace son chemin dans la jungle mémoriel qui subsiste à l’issue d’un spectacle de danse dont il tire des « vestiges de présence » dont il nous restitue l’atmosphère, l’énergie.
C’est que par sa propre implication corporelle et mentale il surmonte le dilemme proposé par le dernier chapitre : Témoigner et/ou interpréter. Pour argumenter sa position il donne la parole à quelques uns de ses chorégraphes
partenaires tels que Carolyn Carlson, Jean-Claude Gallotta, Angelin Preljocaj, José Montalvo, Jean-Christophe Maillot, Pierre Rigal ou François Chaignaud.
Ce retour sur la réception d’une œuvre est complété par une suite de séquences ( tirées de spectacles de Merce Cunningham, Daniel Dobbels, Thomas Lebrun ou Pina Bausch) qui prouvent que si la recherche d’une photo unique satisfait la presse spécialisée un ensemble d’images prises dans des intervalles courts déploie l’intensité photographique à la hauteur de l’exigence de la danse contemporaine dont le livre constitue un panorama exceptionnel.