Créé en 2009 le prix Opline allie en deux temps un choix d’artistes opéré par des commissaires professionnels dont les œuvres sont soumises au vote des internautes. Différents relais dans le réel permettent une médiatisation de ce challenge original, des partenaires parisiens comme la Maison du Geste et de l’Image, des revues de prestige comme Art Absolument ou Connaissance des Arts diffusent les protocoles de vote.
Son initiatrice, la plasticienne Michelle Robine, étant bordelaise le prix trouve sa finalisation dans la ville, où à côté de nombreux autres partenaires, un débat a lieu au CAPC et une rencontre à l’Institut Bernard Magrez et c’est enfin le maire lui-même qui remet le prix.
Chaque année, depuis trois ans, un artiste de renommée internationale est l’invité d’honneur qui détermine le thème permettant au comité de sélectionner les artistes ayant travaillé dans les mêmes directions. En 2010, Roman Opalka, (qui vient de nous quitter) a inauguré cette pratique avec le thème de « l’Infini », l’an dernier Orlan a suscité une approche thématique du « Trop humain ». En 2012, Tania Mouraud a proposé les thèmes des « Errances ».
Parmi les artistes retenus deux d’entre eux ont conjugué ce thème sous la couleur des fictions documentaires il s’agit du vidéaste Mehdi Meddacci et du photographe Emeric Lhuisset .
Audrey Cottin , Frédéric Vaesen et Sébastien Vonier développent des pratiques plus complexes qui mêlent un art relationnel, du design et des préoccupations sculpturales Morgane Fourey elle se consacre plus exclusivement à la seule sculpture.
RERO se situe entre street art et pratiques conceptuelles pour interroger les langages et écritures qui traversent nos relations. Sociales en réseaux
Pierre Petit en une attitude post pop ne manquant ni de poésie ni d’humour donne une nouvelle valeur à des figures imprimées sur des sacs en plastique de grande consommation.
Emmanuelle Gibello intervient en plasticienne du son qui sait mêler grâce à l’électronique ses recherches dans ce domaine avec s
es images.
La question du corps est abordée dans une chorégraphie ludique par Katrin Gattinger et avec des attendus plus socio-philosophiques par Pierre David qui est cette année le lauréat.
Pierre David qui se revendique à juste titre plasticien, scénographe et designer a mené des travaux qui peuvent apparaitre hétérogènes mais qui ont pour point commun d’ aborder de façon singulière des corpus de populations. Cela lui permet d’interroger les liens entre artiste et modèles et de façon plus spécifique les relations sexe/ argent .
Il cherche souvent des protocoles où les modèles s’imposent d’eux-mêmes.
Pour les quatre portraits à la feuille d’or installés dans la Chapelle de la Trinité à Lyon, en 2007, il a demandé à chaque modèle de poser uniquement vêtu d’une couverture, objet de survie international : victimes d’un tsunami en Extrême-Orient, clandestin africain, rescapé de l’ouragan en Louisiane, ou survivant sdf du métro de Londres. En soubassement une fiche identitaire à l’or donne sa dimension personnelle.
Avec cette même technique il a produit deux séries Les Dormeurs et la Chambre des Garçons. Ses procédés précieux et demandant une réelle précision font de ces portraits qui conservent une identité des sortes d’icônes modernes comme en ont traité Claude Lévèque ou Michel Journiac.
Dans ces translations identitaires aboutissant à d’autre formes de modélisation il n’oublie pas l’expérience individuelle. Ainsi en résidence l’année dernière à la Maison de Retraite des Artistes de Nogent sur Marne il a décidé de faire le portrait de 16 pensionnaires du lieu atteints d’Elzheimer, en difficulté donc avec leur image identitaire et à qui il donne un autre espace imaginaire.
Invité au Musée d’Art Moderne de Salvador de Bahia Pierre David s’est rendu compte de la diversité des couleurs de peau des employés. Il a décidé de leur demander de poser torse nu pour photographier une même surface de la peau de leur dos. Dans cette société matriarcale il n’aurait pu demander à des femmes d’être ses modèles. Il a ensuite opéré un grand tirage de ces portraits et organisé les nuances de peau. A partir du nuancier ainsi organisé il a demandé au fabriquant hollandais Sikkens de produire des pots de peinture. A chaque fois qu’il a exposé son Nuancier il a demandé aux responsables du lieu l’accueillant de repeindre selon une des couleurs. Quand les portraits eux mêmes sont remontrés, ils le sont sous forme provisoire sur papier affiche détruit à la fin de l’exposition. Ce travail dont la réalisation principale est le nuancier interroge grâce à cet objet séduisant la marchandisation humaine et les différentes formes de racisme.
Il prépare actuellement un projet sur la mémoire ouvrière dans la Vallée de la Chimie dans le Rhône où il vit et où il dirige la résidence d’artistes de Moly-Sabata pour la fondation Albert Gleizes à Sablons (38550). Se réappropriant des ensembles de photographies de communautés espagnoles, portugaises et algériennes qui y ont été en cantonnement entre 1935 et 1955 il les reproduit sur des carreaux de faïence conservant une zone blanche d’environ un tiers de la surface. Avec ces motifs organisés aléatoirement il va carreler un bâtiment officiel, là encore il agit en designer attentif aux destins de communautés humaines fragilisées.