Poétique de la décroissance Antoine Bonnet Editions Mix

User d’un terme d’ordre politique, économique et social pour affiner un regard sur la création contemporaine, tel est le parti pris d’Antoine Bonnet. Son observation de la société, ses convictions écologistes et la complicité de Valérie De Saint Do l’ont amené à penser une poétique de la décroissance. L’écrivain interroge artistes et architectes (Patrick Bouchain, Céline Cléron, Olivier Darné, Jean-Baptiste Farkas, Léa Le Bricomte, Elise Morin), chercheurs, philosophe (Vincent Liegey, Olivier Quintyn) et acteurs du monde de l’art (Stéphanie Airaud) pour envisager de nouveaux paradigmes. Cette méthodologie de l’ordre de l’enquête répond à l’enjeu de la recherche. Paul Ardenne, dans sa préface, émet l’hypothèse d’une nécessaire relation entre une possible décroissance et une culture de la décroissance. L’historien de l’art amorce le devenir créatif de cette philosophie.

La poétique de la décroissance, telle que l’auteur la nomme, s’exprime de différentes manières. Le travail à partir de matériaux naturels appelle à un retour au faire dans le temps long. Des pratiques amorcent des questions liées à la fragilité, à la fugacité, parfois à une non-production. L’œuvre peut également se présenter de manière immatérielle ou être réalisée à plusieurs. Certains artistes ont pris en considération les arts et traditions populaires non-occidentales. Dans le même temps, la figure de l’artiste avec son aura propre semble être remise en question. Un écosystème artistique naît de ces changements : Les créateurs, visionnaires, mettent en évidence des manières de vivre, qui vont à l’encontre d’une société capitaliste. C’est ainsi qu’un « art en commun », pour reprendre l’expression d’Estelle Zhong Mengual, prend place petit à petit.

Poursuivons le fil de la pensée de l’auteur. Ce phénomène de décroissance dans le champ de l’art contemporain induit notamment une remise en question de la valeur marchande de l’œuvre. Les formes esthétiques qui émergent annoncent un changement de considération de la création artistique. Des questions se posent : le statut de l’artiste, la dématérialisation de l’œuvre… Désormais, la transdisciplinarité est au cœur de pratiques d’artistes contemporains. Une transition s’opère à travers laquelle le commun devient moteur, une force également, en parallèle d’un intérêt pour les pratiques vernaculaires, les savoir-faire en relation avec la nature. Il s’agit pour les artistes de pouvoir imaginer d’autres modalités de création.

De fait, poétique et politique, cet art décroissant est émancipateur. Certains sont décroissants sans le savoir tandis que d’autres inscrivent leur travail sur le terrain. Leurs engagements participent d’une transition vers une nouvelle économie de la vie d’artiste. « La biodiversité artistique doit être préservée avec le souci impératif de conserver toutes les espèces d’art, même celles en voie de disparition. » affirme Antoine Bonnet dans son livre : Une pensée qui fait désormais son chemin.

A la lecture de cet essai, notons la possibilité d’une autre forme de soutien à la création. En effet, le marché de l’art se transforme et la période actuelle impose et incite à pouvoir envisager la liberté du créateur.
Ainsi, cet ouvrage ouvre de nombreuses pistes de réflexions à partir desquelles l’artiste s’inscrit dans la société. Il esquisse une exposition à venir. Si comme le prétend Antoine Bonnet, « les plasticiens ont remplacé les philosophes », gardons leurs processus de création et leur expériences artistiques en tête. Les artistes tracent un chemin lumineux, nous montrant les bouleversements sociétaux. Leurs travaux inscrits dans le temps modifient les lignes d’un art en train de se faire. Faisons confiance au temps et à ces témoignages… Même si certaines questions restent en suspens, gardons-les en mémoire pour avancer ensemble dans cette pensée artistique de la décroissance.