Louisa Marajo s’intéresse à la présence des algues sargasses qui perturbent les plages Caribéennes, mexicaines, africaines et autres et crée un désastre écologique, social et économique, dont il faut prendre compte désormais. À ces bouleversements liés à l’ère « négrocène » (selon Malcom Ferdinand) que nous traversons, elle ajoute le chaos de l’activité humaine, un chantier en perpétuelle construction qu’elle traduit notamment par des éléments récupérés et remixés.
Ses installations contiennent les traces de ses anciens travaux qu’elle redéploie en associant les mediums : photographies imprimées sur toile ou sur bois, dessins sur photographies, peinture sur des caisses qui ont transporté ses œuvres…. La palette, motif récurrent dans les travaux de l’artiste, incarne également un « élément de migration », symbole des vies et d’une société en mouvement. À la Galerie Dix9 Hélène Lacharmoise, une installation in situ suggère un espace en transition, avec des éléments surgis de l’atelier pris dans le flux et le reflux des vagues. Les algues séchées deviennent-elles poussières et annoncent-elles la fin d’une histoire qui pourrait nous envahir ? Les fragments, palettes récupérées et bombes de peinture paraissent en suspens comme si l’artiste avait laissé son chantier en cours. Des traces à la bombe de peinture aérosol jaune, des éléments bancals et un déséquilibre composent une situation précaire. Les œuvres de Louisa Marajo expriment une urgence créatrice, sa gestuelle rapide et une volonté de déborder, d’exploser le cadre.
L’artiste associe photographie, peinture, dessin et sculpture pour évoquer un chaos provoqué par une prolifération anarchique. Le scotch compose des structures, efface, recouvre et fait surgir la mémoire de transformation dans les milieux dits « naturels ». L’atelier tout comme la galerie devient son champ d’expérimentation pour développer un espace en construction, fragile, où les « matières naturelles » se confrontent avec les éléments de l’espace urbain, une « hétérotopie », lieu autre d’après Michel Foucault.
Ses dessins à la mine de plomb dévoilent ces algues qui s’aditionnent, dégageant des gaz toxiques et une odeur pestilentielle. En dessinant sur l’image, Louisa Marajo suggère l’envahissement de ce végétal ravageur. La sargasse qui libère des métaux lourds est exagérée dans toute sa grandeur. Comment un élément d’une sublime beauté chromatique peut-il causer les plus puissants désordres écologiques ? Tout ici révèle le paradoxe d’un dérèglement qui suscite l’attention.
L’artiste nous alerte sur la fragilité des milieux qui sont les nôtres. Ses œuvres condensent la splendeur de ce spécimen devenu nuisible avec l’état d’un paysage imaginaire en métamorphose permanente. Elles incarnent des phénomènes de transformation, l’amoncellement de particules, de lambeaux, de restes produits par ces algues présentes dans la mer des Antilles et ailleurs, tel un cyclone colonial (d’après Malcom Ferdinand auteur d’une écologie décoloniale – penser l’écologie depuis le monde Caribeen)
Cette exposition révèle le flux et le reflux que Louisa Marajo crée dans son atelier. Elle exprime la fluidité des éléments, en métamorphose constante.