Le double espace de l’œuvre réalisée selon des pratiques mixtes par Pratap Morey, jeune artiste indien diplômé de l’Université de Mumbai où il vit et travaille, a attiré notre attention par sa singularité au cœur du Salon des Réalités Nouvelles 2012, où les pratiques picturales se renouvellent peu.
Cette dualité apparaît comme celle d’un livre potentiel, y compris dans le jeu de la basse taille du bombé de la bonne page, à main droite. Le mouvement du feuilletage se trouve réactivé dans cette alternance qui s’impose de la gauche vers la droite. Mais cette parodie de lecture est contredite par un autre couplage plus complexe, parce que plus impliqué dans un work in progress. A main gauche se donne une forme matricielle dont le vis à vis pourrait être quelque interprétation technique, en tant que tirage. Le jeu de l’épreuve, proche de la photographie ou plutôt de la gravure se complique du système d’entailles qui tranchent autant l’espace au blanc dominant que l’autre et ses pulsations colorées.
Ces coupes fines évoquent moins les tranchées franches des concetto spaciale de Lucio Fontana que les encoches pratiques de quelque livre-objet pour enfants attendant de se déplier en pop up. Le volume dans cette œuvre reste toujours comme une promesse non tenable. Elle fonctionne selon l’esthétique et les protocoles des jeux de logiques à partir d’images digitales qu’elle organise en
« proportions inverses ».
A tant nous attacher à la subtile composition formelle de l’œuvre nous en oublierions qu’un regard plus analytique ne peut s’empêcher de discerner dans les motifs hauts en couleurs d’étranges figures corporelles. Notre regard qui sent besoin d’approche plus intime, attiré vers ces formes parcellaires, rencontre alors pieds et mains démultipliés en miroir. Dans son atelier l’artiste a installé autant de miroirs que dans un studio de danse, mais ne s’y reflètent que les focus qu’il produit à partir de très petites occurences intimes.
De ce fait la double appartenance à la forme d’écriture que ce livre suppose, et l’allégeance à ces corps morcelés devenus motifs nous entraîne vers une sorte de graffitis, d’inscription scripturale des corps parés que la poésie amoureuse connaît en tant que le récitatif litanique du blason.
Dans sa légende technique l’auteur insiste sur la constitution lithographique de l’œuvre qui gère une archive individuelle. Dès lors notre blason ne peut se comprendre que comme égrenant les morceaux d’un corps générique, la carte adn graffitée d’une espèce menacée, celle de l’humaine condition.