La dimension critique du réseau

Revue d’art depuis 2006

Profession Critique d’art Christian Gattinoni

Il est important comme le suggérait Claire Margat de définir son champ de compétence. Pour moi il est double. En tant qu’enseignant à l’ENSP d’Arles j’ai mené un séminaire de recherche sur les rapports Danse , performance, image qui vient d’être finalisé dans mon essai Quand l’image performe , comment imager la danse et faire danser l’image publié par les Nouvelles éditions Scala en ce mois d’avril.
Etant moi même engagé en tant que photographe dans une action de création mémorielle pour mon père qui a été déporté résistant pendant 26 mois à Mauthausen je défends de nouvelles formes de projets d’images . C‘est ainsi que je suis devenu depuis 7 ans conseiller artistique du festival Fictions documentaires qui se tient à Carcassonne et que Scala a publié en 2022 notre essai écrit avec Yannick Vigouroux Les fictions documentaires en photographie.

Après une formation universitaire et littéraire, orientée vers l’image grâce à l’enseignement de l’équipe initiale des Cahiers du cinéma alors que j’avais déjà une pratique d’écriture poétique j’ai été initié à l’exigence critique par un cours d’hypokhâgne analysant le passage de plusieurs versions préparatoires du poème Le pitre châtié de Mallarmé à celle qui fut éditée. Avec des amis dans les années 1980 nous avons édité et diffusé deux revues Crispur puis Dérive où j’ai commencé à introduire des images et des récits à leur sujet. J’ai ensuite commencé à produire des expositions et les catalogues afférents avec d’autres amis au sein de l’association Photolangages, Pour la défense de la photographie de recherche dans son rapport aux autres arts et aux sciences humaines.

Grâce à Alin Avila déjà éditeur mais aussi responsable à l’époque des expositions à la Maison des Arts de Créteil nous avons monté en 1981 l’exposition manifeste Une autre photographie, plus d’une centaine d’artistes , peintres liés à la photo, graphistes avec des pratiques mixtes et celles et ceux que l’on ne qualifiait pas encore de plasticiens. Je ne savais pas que la critique d’art était chasse gardée, Michel Nuridsany qui venait de réaliser Ils se disent peintres, ils se disent photographes me l’a rappelé en descendant avec des arguments de bistrotier notre initiative dans Art Press,le Figaro et sur France Culture. Un an plus tard quelqu’un voulant nous présenter lors d’un vernissage me demanda si je le connaissais, d’où cet échange « Moi : Comment ne pourrai-je pas connaitre Monsieur qui a essayé de nous tuer ? Lui : Votre exposition était importante j’en ai parlé. Moi Il est des discours qui s’apparentent à des meurtres. » Heureusement d’autres supports importants comme Télérama ou Libé nous avaient défendu.

Poursuivant mes activités d’écriture et d’organisation grâce à la défense d’un artiste Jean Kapéra dont j’avais rencontré la veuve, Jacqueline Boutet, j’ai été en contact avec Pierre Restany qui a été en 1989 l’un de mes parrains à l’AICA ; l’autre étant Olivier Kaeppelin responsable des arts plastiques au Ministère de la culture. J’ai été ainsi en France le premier critique d’art spécialisé en photo au sein de l’association. Beaucoup d’autres l’ont intégrée depuis.

Ayant moi-même poursuivi cette tradition de parrainage il y a quelques années une de mes candidates a été refusée par le bureau sous prétexte que , selon ses membres, elle était plus curatrice et commissaire que vraiment critique. Heureusement depuis une dizaine d’années cette double casquette est bien acceptée pour intégrer l’AICA, l’exposition étant considérée comme un acte critique en oeuvres.

L’exigence de l’écriture critique je l’ai connue grâce à la confiance d’Alain Macaire fondateur de la revue Canal où j’ai eu le grand honneur de connaitre et de partager avec Bernard Lamarche-Vadel, prototype de l’écrivain critique. Alain m’a ensuite convié à Expositions en revue que son décès a trop tôt interrompu. Avec le soutien de sa veuve , Sylvie de Meurville, nous avons décidé de poursuivre grâce à une revue en ligne. Ce fut exporevue.com à laquelle, en tant que rédacteur en chef j’ai invité des amis théoriciens et universitaires, mais aussi artistes ayant une importante production critique.

A l’époque notre ami graphiste nous taquinait en disant que lui avait un vrai métier. De même notre technicien internet était professionnel , mais il a voulu se mêler de critique d’art et n’y connaissant rien il a s’est mêlé de nos choix y compris jusqu’à en censurer certains.En 2006 j’ai démissionné et toute l’équipe m’a suivi. Lors d’une soirée de réflexion nous avons estimé que le censeur n’était rien et que nous étions tous par notre action des critiques et le titre n’ayant pas été retenu nous avons créé en ligne lacritique.org , pour revendiquer aussi la nécessité de défendre cette profession.

Aujourd’hui après 17 ans de publication le site comporte plus de 6000 articles, sans publicité nous bénéficions mensuellement d’environ 200 000 visites dédiées, nous avons divers partenariats et notre équipe de rédaction comporte une quinzaine de collaborateurs de différents âges. Julien Bézille des éditions Naima vient de réaliser un livre numérique sur notre aventure éditoriale, comprenant deux versions l’une pour liseuses et smartphones, l’autre pour ordinateurs. Une version papier au format livre de poche de 428 pages sera tirée au fur et à mesure des commandes et distribuée par les Presses du réel.

A travers les différentes rubriques du site, et des sous catégories, chroniques pour les expositions , éditions pour les livres et perspectives pour des articles pas toujours reliés à l’actualité nous couvrons un maximum d’initiatives , privées ou institutionnelles. Nous essayons toujours de préférence d’écrire de façon positive , pour défendre des oeuvres et des artistes. Cependant certaines attaques idéologiques nécessitent des réponses radicales, c’est le cas de l’actuel éditorial :
« La pire extrême droite contre les écoles régionales d’art » qui répond aux menées fascisantes et complotistes de Pierre Souchaud, proche de l’idéologie zemmourienne qui continue de répandre sa haine contre l’art contemporain sous le ridicule pseudo de Nicole Esterolle. Plus que jamais avec l’évolution de notre pays dans une banalisation généralisée de l’extrême droite les différentes formes artistiques contemporaines sont à défendre et c’est notre rôle de nous en préoccuper.