« Rayures et losanges photographiques : les dernières publications Bernard Plossu »

L’inventivité d’un auteur prolifique associée à celle d’une maison d’édition réserve souvent de belles surprises…

Là où d’autres photographes se seraient contentés d’un simple exercice formel gratuit, Bernard Plossu développe au contraire une recherche formelle quasi mélodique qui fait toujours fiction…

Bernard Plossu est un photographe prolifique : auteur d’un très grand nombre de photographies, il ne cesse aussi d’exposer en France et à l’Etranger, et surtout de publier…

Dans ce foisonnement vraiment fascinant, quelques publications récentes, de petit format et plus confidentielles que d’autres, retiennent, comme déjà, par exemple, Train de lumière (Editions Yellow Now, 2000), une fois de plus l’attention, par leur originalité, leur caractère résolument expérimental.

De la part d’un autre auteur, le parti pris de deux minuscules livres publiés aux éditions Filigranes pourrait laisser a priori dubitatif. Mais les opuscules Bernard Plossu / Emmanuel Guigon et Bernard Plossu / François Carassan (qui auraient pu être intitulés Variations sur le thème du losange et Variations sur le thème des rayures) tiennent pleinement leurs promesses, pour ceux qui connaissent déjà l’insatiable curiosité, l’iconoclaste générosité du photographe (et humaine). Et seront certainement de belles découvertes pour ceux qui ne connaissent pas encore la production la plus fantaisiste et… peut-être la plus réussie, d’un auteur aussi formaliste qu’humaniste (de Boubat et Ronis, les avant-gardes des années 1920-1930 à la Beat Generation et l’art conceptuel, entre autres…).

L’on retrouve avec plaisir, dans ces deux livres, un peu de la simplicité, alors totalement artisanale, de la collection « résonance » créée en Bretagne (Trézelan) par Patrick Le Bescont : à l’origine, au milieu des années 1990, l’éditeur reliait lui-même avec des coutures blanches la couverture de la minuscules revue que l’on recevait par la Poste après souscription ; un bandeau portait notre civilité et adresse, toujours accompagnée d’un beau timbre de collection ; le carton rouge était un simple simple carton recyclé, parti pris que l’on retrouve d’ailleurs avec la couverture grise du catalogue Denise Colomb, les Antilles publié cette année.

Dans le texte du premier ouvrage, Emmanuel Guigon écrit : « […] des damiers se répondent d’une image l’autre, renvoyant, entre autres, à des fictions autour de jeux formes, à des jeux de variantes et de variations parfois infimes […] »

Les carrés blancs ou noirs des photos s’apparentent en effet à ceux des jeux de dames ou d’échecs ; les lignes se répondent dans l’ouvrage créé en duo avec François Carassan. Une fois de plus en « correspondance » et « résonance », justement, et s’apprentent à celles des partitions musicales.

Les images et les expositions, les livres de Plossu, se multiplient en effet comme autant de carrés ou de losanges, lignes continues ou brisées, parallèles et dissemblables, se répondant à l’infini, à la fois identiques et différentes… La métaphore que file Emmanuel Guigon, au-delà de la série imprimée, pourrait bien s’appliquer à l’oeuvre entière de Bernard Plossu.