Retour sur « Chamberlain in Paris »

John Chamberlain (1927 – 2011) s’est fait connaitre depuis le début des années 1960 pour ses sculptures assemblages de morceaux de carrosserie automobiles aux couleurs vives. La galerie Karsten Greve le représente à Paris depuis plus de trente ans. En dehors de toute école il a poursuivi son oeuvre en variant les formats de ses créations mais aussi en complétant sa pratique par celle de la photographie.

Né à Rochester il a fait ses premières études à l’Art Institute of Chicago puis il a fréquenté le Black Mountain College où il a côtoyé les poètes Robert Creeley ou Charles Olson, mais aussi un chorégraphe comme Merci Cunningham. Des premiers il a su garder le sens des jeux sur les mots qu’il exerce dans ses titres souvent nourris d’humour ou d’associations d’idées originales.

C’est à juste titre qu’il a pu exposer en 1961 dans l’exposition collective The Art of Assemblage. En effet sa technique de base consistant à écraser, puis imbriquer, froisser, défaire, replier et redresser avant de les souder des fragments de carcasses de voiture l’a parfois fait considérer comme le tenant sculptural de l’expressionnisme abstrait alors que d’autres critiques du fait des matériaux l’ont rattaché au pop art. Il reste cependant singulier puisque contrairement à César dont les compressions sont assez systématiques, il se laisse l’entière responsabilité de la forme finale. Celle-ci joue le plus souvent sur des étirements et des structures oblongues.

Cette élongation de l’espace il l’a poursuivi en photographie par des prises de vue mobiles en couleur créant des effets de filés. Il utilise pour ce faire un appareil panoramique Widelux qui lui permet de prendre un espace élargi, de le compresser tout en favorisant l’extension des matières et des lumières. Beaucoup de ses photographies ont été produites à partir de 1977 à Paris, dans des lieux animés de la capitale. Le large format lui permet de s’intégrer à son cadre. Il ne reproduit pas ainsi les postures de l’autoportrait et encore moins du selfie qui n’existait pas à son époque , mais dans une participation corporelle modeste à l’espace entre le lieu et lui. Comme une signature incarnée mais discrète. Ses bougés volontaires à la prise de vue lui assurent des continuités spatiales qui s’effilochent en matières lumineuses.

La dimension corporelle a toujours une importance dans son oeuvre, la taille immense de son atelier en témoigne, sa pratique de la sculpture y garde un caractère physique. Quant à sa présence signature dans ses tirages photographiques elle révèle la chorégraphie de la prise de vue et marque son engagement physique.