L’art thaï traditionnel se dévoue surtout aux diverses représentations du Bouddha dans des sculptures qui manifestent leur dévouement au Sage.
Du XIIIe au XV° siècle (période de Sukhotai) ces sculptures le représentaient généralement assis. Leur taille pouvait varier de quelques centimètres pour des amulettes jusqu’à des statues de plusieurs mètres. Apparue à la fin du XIIIe siècle la technique céramique du bleu-vert ou céladon fit son apparition grâce au roi de Sukhothai qui invita 300 potiers chinois à rejoindre son royaume. Longtemps limités au cinq couleurs primaires (le rouge, le bleu, le jaune, le blanc et le noir), les peintres produisirent de nombreuses peintures murales, ornant les murs des temples et des palais. Ce n’est qu’au XIXe siècle que de nouvelles techniques, venues d’Occident, permirent des pratiques picturales plus novatrices et une fusion entre tradition et modernité.
Chaque ville possède plusieurs temples, avec au cœur une tour ou chedi qui comporte des reliques, souvent un arbre de vie, figuier sacré entouré de rubans et soutenu par de hauts tuteur . Au centre des lieux de culte, le bot, trône une statue de Bouddha qui peut être gigantesque comme celui d’une tonne cinq d’or qu’on trouve au Wat Traimit de Bangkok près du quartier chinois. Elle est dédoublée par de nombreuses répliques de toutes tailles, don des fidèles en échange de mérites. Cela crée une illusion d’art fractal à la Mandelbrot. Le gigantisme de ces statues peut atteindre 41mètres pour le Bouddha couché du Wat Pho de la Capitale.
Les attitudes du prophète correspondent à autant de mudra liées à la symbolique des jours de la semaine et des différentes actions en rapport à la pratique de l’ascèse et de la méditation. Les mouvements des mains et des bras y sont essentiels comme ceux des danseurs et danseuses thaïs traditionnels. Pour entrer en dialogue avec le prophète de nombreuses statues hyperréalistes de bonzes marquent de leur présence zen ces lieux sacrés dont les murs sont souvent décorés de peintures d’histoires du cycle de la vie du Sage.
A Chiang Rai une curiosité vantée par toutes les agences touristiques est le Temple Blanc, Wat Rong Khun, une dérive de cet art religieux dûe à Chalermchai Kositpipat, né en 1955 dans la région, ancien étudiant de la Silpakorn University et nommé artiste national en 2011. Pour y accéder il faut traverser un enfer d’où s’échappent des mains des condamnés. Les sculptures extérieures comme les peintures intérieures scénarisent Bouddha parmi les héros de bd et de mangas mais aussi d’Elvis, de Bush et des Twin Towers. Alors que le lieu se veut spirituel pour protéger les droits de l’artiste des gardes hurlent constamment no photo dans des mégaphones.
Ce rapport entre lieu sacré et interdit fait à l’image se manifeste de façon historique quand dans le nord du pays au temple de Lampang, près du lieu le plus sacré, le bot, se trouve une pièce minuscule dotée d’un sténopé, lieu interdit aux femmes y compris de nos jours ! La sainte caméra obscura permettait de surveiller les envahisseurs birmans, des musulmans qui ont décapité de nombreuses statues de Bouddha à Ayatuya notamment, ancêtres des Bouddhas de Bamiyan détruits par les talibans en 2001.
Beaucoup moins célèbre la Maison Noire de Thawan Duchanee est beaucoup plus intéressante. Né en 1939 dans cette même région de Chiang Rai, formé aussi à la Silpakorn University, il fut nommé artiste national de Thaïlande en 2001. Le MOCA de Bangkok consacre à ses peinture et dessins un étage entier. Le site autour du temple comporte près de 40 petites maisons noires de différents styles construites en bois, verre, brique, béton ou terre cuite. Chaque maison est décorée de créations réalisées par Tawan, il peut s’agir de peintures, de sculptures, d’installation d’ossements animaux ou de leurs cornes et encore d’objets en or et en argent.